Les Lames Aphya
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 [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule

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Khyrra
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MessageSujet: [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule   [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule Icon_minitimeVen 8 Aoû - 20:21

Il est temps pour moi de mettre le passé de Khyrra à plat, afin que tout le monde autant que moi puisse s'y retrouver.

Je commence déjà par une petite chronologie. Lorsque des évènements renvoient à des RP écrits, le lien vous mènera au récit.

606 : naissance de Khyrra
609 : naissance de Tayuuya
618 : mort de leur mère Shaela
619 : mort de leur père Mugen
623 : rencontre avec Eorhlinghas, engagement à Brakmar
624 : mariage avec Eorhlinghas
625 : naissance de Theodred/Cyric, fils de Khyrra et Eorh
628 : divorce d’avec Eorh qui disparaît avec Theo
629 : mariage avec Perce-Oreille, rencontre avec Synagar
630 : Khyrra renonce à servir Brakmar et devient mercenaire
631 : mort et vampirisation de Theo
634 : suite à la mort de son ancien maître, Khyrra prend la tête des Erinyes
635 : naissance d’Elystrae, fille de Khyrra et d’un sacrieur dont elle garde l’identité secrète
636 : Tayuuya révèle à sa sœur leur héritage et leur destin, Khyrra et Perce se séparent, elle pour le protéger, lui parce qu’il a retrouvé un ancien amour
637 : les mercenaires sortent de l’ombre et entrent au service d’Allister, mariage avec Tuk Teufty, elle retrouve Eorhlinghas mais leur relation n'est pas au beau fixe, Theo refait surface
638 : Khyrra connait son premier déboire de séduction, dispersion des Erinyes, divorce d’avec Tuk, mariage avec Epica, apparition ouverte des Aphyas, divorce d’avec Epica, mariage avec Ellessar, divorce d’avec Ellessar, Khyrra part affronter son destin, remariage avec Eorh.


Dernière édition par Khyrra le Jeu 4 Juin - 14:48, édité 5 fois
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MessageSujet: Re: [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule   [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule Icon_minitimeVen 8 Aoû - 20:24

Chapitre 1 : Où tout finit (Fraouctor 629)

Khyrra regardait le cercle de lame se refermer sur elle. Une embuscade joliment ordonnée, elle devait bien le reconnaître, un surnombre conséquent, du travail dans le plus pur style bontarien. Avec ses deux compagnons, ils n’avaient eu aucune chance, et si elle tenait encore debout, c’était moins grâce à ses talents d’escrimeuse qu’à sa solide et endurante constitution de sacrieuse.

Elle repoussa quelques attaques portées sans grande conviction. Elle savait que ça n’était qu’un jeu, qui, lorsqu’il cesserait, ne lui laisserait pas d’échappatoire. Par delà ses trois assaillants, elle en devinait encore autant, s’amusant de voir la sacrieuse acculée. Resserrant sa prise sur son épée, Khyrra jaugea ses adversaires : en éliminer deux, voire trois, oui, elle pouvait y arriver, mais elle n’était pas folle et connaissait ses limites : les survivants n’auraient aucun mal à achever la sale besogne.
Le jeu sembla soudainement lasser les Bontariens : les assauts se firent plus pressants, plus potentiellement meurtriers. Oubliant ses blessures, Khyrra s’efforçait de les tenir en respect, mais l’issue du combat depuis longtemps décidée se profilait de plus en plus. Ce fut le sourire subitement réjoui de ses ennemis qui l’alerta. La fatigue du combat la ralentissait désormais trop pour qu’elle réagisse promptement, mais cela suffit à la sauver… du moins sur l’instant…

Surgie du néant derrière son dos, la dague glissa sur ses côtes et s’enfonça entre ses reins. Le coup avait été dévié par son mouvement instinctif, manquant le coeur, mais suffit à abattre la sacrieuse épuisée. Khyrra s’effondra sans un cri, sombrant dans l’inconscience avant d’avoir touché le sol, une dernière pensée lui traversant l’esprit.

« C’est terminé. »


Dernière édition par Khyrra le Dim 8 Jan - 16:14, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule   [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule Icon_minitimeVen 8 Aoû - 20:24

Chapitre 2 : Où tout n'est qu'apparence (Fraouctor 629)

Des pas lourds soulevaient de petits nuages de poussières dans l’atmosphère lourde de cette fin d’après midi. L’orage, qui couvait depuis plus d’une heure, lorsque de fines gouttes de pluie commencèrent à imbiber le sol surchauffé, rejoignant les rigoles tracées par le sang versé.

- Manqué plus que ça… Fichu temps…

L’homme rajusta sa cape autour de lui, fuyant les larmes du ciel, et s’arrêta pour contempler le tableau morbide s’offrant à ses yeux. Des escarmouches entre Bontariens et Brakmariens, il en avait vu des centaines, chaque jour, chaque mois, depuis des années. Les lieux et les méthodes changeaient, mais pas le résultat : des morts de chaque côté, sans que cette guerre ne prenne un tournant décisif.

- Un carnage de plus… Ils ne comprendront jamais, toujours à s’étriper à vue. Au moins, ça me fait vivre.

Il eut un reniflement de dédain suivi d’un sourire réjoui, avant de se pencher sur les corps étendus à terre. La rapine et le détroussement de cadavre, encore deux excellents moyens d’arrondir les fins de mois à moindre frais. Et en ces temps troublés, il n’y avait pas de risque de pénurie de ce côté-là.

- Bande de corbacs ! Bientôt ils ne laisseront même plus un os à ronger ! Oh, mais qu’avons-nous là ?

Pestant contre les soldats – les corps avaient été dépouillés de tous leurs biens de valeur – l’homme était arrivé au dernier cadavre, étendu face contre terre, et l’avait retourné pour procéder à sa petite inspection.
- Oh, mais qu’avons-nous là ?

Il marqua quelques secondes d’étonnement : malgré le sang et la boue, il devinait la sacrieuse jeune mais déjà marquée par la vie, mais surtout vivante, ou si peu. Mais dans l’existence qui était la sienne, il n’y avait pas de place pour la pitié, et encore moins vis-à-vis des guerriers des deux cités.

- Bontarien, Brakmarien… Tous pareils, chiens de guerre ne méritant pas de vivre.

La main sur le cou de la sacrieuse, il s’apprêtait à l’achever sans plus de sentiment en lui brisant la nuque, quand quelque chose au fond de lui brisant son élan, comme si une voix profonde et silencieuse lui imposait de l’épargner. Ses mains refusaient d elui obéir, comme douées d’une volonté propre – ou contrôlées par une détermination supérieur. Il lutta contre lui-même pendant de longues minutes, mais finit par lâcher prise, avec un soupir d’exaspération.

- Il faut croire que ton heure n’est pas venue ma jolie… Que vais-je bien pouvoir faire de toi ?


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MessageSujet: Re: [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule   [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule Icon_minitimeVen 8 Aoû - 20:25

Chapitre 3 : Rencontre (Fraouctor 629)


Il y a des manières plus douces pour rejoindre le monde des vivants, mais pour Khyrra, ce fut la rencontre plutôt rude avec une paillasse qui la tira de son inconscience. Sous le choc, elle se fit l’effet d’un sac de patates jeté dans un coin et un couinement de douleur.

- Réveillée ? Ca tombe bien… ou mal, c’est affaire de point de vue. Tu es riche ?

Khyrra pouvait lire la rapacité dans le regard de l’homme, une avidité sans borne. Elle y lisait également bien d’autres choses, mais elle avait l’esprit bien trop embrumé par la souffrance pour chercher leur signification. Qui il était, ce qu’il était, ce qu’elle faisait là, tout cela n’avait aucune importance. Sur l’instant, tout ce qui comptait c’était de rester en vie. Mais quitte à y rester, autant détruire tous les espoirs de son ravisseur.

« Je t’en pose de ces questions… »

- Non, je n’ai aucune richesse à piller…


- Hum, pas d’argent, pas de guérisseur. Mais je ne vais pas laisser mourir une coreligionnaire, surtout aussi charmante. Ca sera juste du rafistolage rustique…

D’une main ferme et forte, il obligea la sacrieuse à s’allonger avant de retirer les lambeaux de cape collés à son dos et d’inspecter sa blessure.

- Ne bouge pas !

Il disparut de longues minutes, laissant une Khyrra un peu plus rassurée sur son sort immédiat à ses interrogations. Tellement absorbée d’ailleurs qu’elle ne le vit pas revenir et fut surprise lorsqu’un liquide se déversa sur son dos. L’eau était limite bouillante, mais sur la plaie à vif maculée de boue, elle fit l’effet d’un baume apaisant. Khyrra se laissa aller à ce maigre réconfort avec un soupir de soulagement. Jusqu’à ce que la douleur aigue d’une piqûre la fasse bondir, et raviver d’autant plus les maux infligés par sa blessure.

- Mais bordel ! Ca fait mal !

En combat, avec l’adrénaline et la joie d’étriper amicalement n ennemi, la sacrieuse pouvait endurer le pire, mais au repos, elle se montrait nettement plus douillette.

- Faible femme... SI tu préfères, je laisse la plaie ouverte et ça mettra des semaines à cicatriser. Ou tu te comportes en sacrieuse digne de ce nom et tu subis en silence. A toi de voir…

La sacrieuse ne releva pas. L'inconnu avait raison et rouspéter plus avant n'arrangerait rien à sa situation. Elle se contenta donc de baisser la tête avec résignation et de serrer les dents à chaque fois que l'aiguille perçait sa chair. Par moment, elle tenta bien de relancer la conversation histoire d'en apprendre un peu plus, mais le silence obstiné de l'autre finit par la décourager.

Lorsque le travail de couture prit fin, il lui apporta une tasse d'un breuvage acre à la forte odeur de plantes macérées, qu'il lui tendit avec insistance jusqu'à ce qu'elle l'eut absorbé jusqu'à la dernière goutte. A peine eut-elle le temps de reposer le contenant qu'elle s'écroula, plongée dans un sommeil sans rêve.

Des jours qui suivirent, Khyrra ne garda aucun souvenir, hormis quelques instants de fugace lucidité entrecoupés de délires fiévreux, du goût pâteux d’une bouillie de céréales et celui, abominable, des diverses potions. Elle se savait droguée mais ne pouvait rien faire d’autre que de se plier à la volonté de l’homme, mue bien plus par un profond instinct que par un désir conscient de survivre. Au moins l’inconscience lui offrait-elle un refuge sur le chemin de la guérison.

Toute notion de temps s’étant envolée, et d’ailleurs Khyrra s’en moquait-elle bien à cet instant, ce ne fut que bien des jours plus tard, ou des semaines, que la jeune émergea parmi les vivants. La pièce était sombre, encore plongée dans les dernières ombres de la nuit mourante. Ce fut l’air frais d’une brise humide qui tira la sacrieuse de son repos. Tandis que ses yeux s’habituaient aux ténèbres environnantes, ses premières pensées furent qu’il avait dû pleuvoir cette nuit là, jusqu’à ce qu’elle réalisa leur incongruité alors qu’elle n’était même pas fichue de se rappeler ce qu’elle faisait dans cette cabane inconnue. A l’extrémité de la pièce, une porte de bois était entrouverte et laissait apercevoir les premières lueurs du jour. De là provenait le courant d’air ressentit plus tôt.

Perplexe, la sacrieuse décida de tirer cela au clair. Le premier mouvement qu’elle fit suffit à la clouer sur sa couche, et tout lui revint en mémoire : l’embuscade, le combat perdu d’avance, la dague déchirant son dos, l’inconnu, et pour finir, le néant. L’inconnu… Khyrra ne détestait rien tant que de se retrouver en état de faiblesse, il fallait toujours qu’elle domine la situation. Se retrouver ainsi à la merci du premier venu lui était insupportable. Il fallait qu’elle sache ! Se maudissant de s’être fourrée dans un tel calvaire, lentement, à gestes mesurés, elle entreprit de se lever, frissonnant à chaque élancement que sa blessure provoquait. Les quelques pas l’éloignant du lit furent hésitants, mais ignorant la douleur, la sacrieuse sortit dans l’ai frais du petit matin. L’impression de calme et de sérénité du lieu lui fit oublier son impatience. La cabane semblait hors du temps, dans une nature surréaliste baignée dans l’étrange lumière de l’aube.

Ce fut une mélopée sourde qui la tira de sa contemplation. Un peu plus loin, à l’ombre d’un chêne séculaire, assis en tailleur, meumeumant au dessus d’un feu de camp sur lequel mijotait quelque infâme mixture, se tenait son sauveur. Khyrra grimaça en reconnaissant l’odeur acre. Il semblait ne pas avoir remarqué sa présence, absorbé qu’il était par le touillage se son creuser, aussi mit-elle à profit ces quelques minutes pour le détailler : c’était un sacrieur, tout comme elle, mais beaucoup plus agé, et malgré le corps puissamment bâti d’un guerrier au long cours, ses cheveux noirs noués en catogan se striaient du gris du temps. Le genre de personne que l’on évite de déranger pour des futilités… Après quelques hésitations, la jeune femme se décida à approcher.


- Merci…

Son sauveur leva la tête et la fixa de son regard gris acier, un regard de tueur. Khyrrarecula instinctivement et cela suffit à faire sourire son interlocuteur. Un sourire qui disparut bien vite…

- Merci de ? D’avoir sauvé ta misérable existence ? Merci de t’avoir fait contracter une dette. Une dette de vie ! Cela te coûtera cher, et pas seulement en kamas. Tout se paye ici bas, aussi bien la vie que la mort.

Sans lui laisser le temps d’en placer une, il enchaîna.

- A combien estimes-tu le droit de fouler cette terre ? D’être toujours de ce monde contrairement à ces autres diables que tu as occis ? Ou ne vaux-tu pas mieux, au point que si je t’avais laissé crever dans la boue, le monde ne s’en serait pas porté plus mal ?

Khyrra resta figée devant un accueil aussi chaleureux.

« Il est barge, totalement barge… Pourquoi y-a-t-il fallu que je tombe sur le seul taré traînant dans le coin ? Comment est-ce que je fais pour retourner dans un pays plus civilisé ? »

Passée la première minute de stupéfaction, la sacrieuse décida de s’en accommoder. Haussant les épaules, elle alla s’asseoir en marmonnant de l’autre côté du feu.

- Dans ce cas, il fallait me laisser crever. Ca n’aurait certainement pas changé grand-chose pour vous, et pour moi, ça m’aurait épargné votre philosophie à deux kamas.

Alors qu’elle s’attendait à une répartie cinglante, le sacrieur éclata de rire.

- Soit t’as un aplomb phénoménal, soit tu n’attends vraiment plus rien de la vie. Dans les deux cas, tu gâches ton existence dans une guerre inutile. Ou tu fais parti de ces cinglés qui vénèrent les démons.

Khyrra releva la tête, un air de défi et de colère dans le regard.

- Je ne sers que moi ! Et personne d’autre ! Bonta et Sacrieur paieront pour ce qu’elles ont fait !

Le sacrieur fronça les sourcils et cela suffit à interrompre la diatrite de la jeune femme. D’instinct, elle le craignait et le respectait, sans pouvoir se l’expliquer. Ildégageait une aura qui la faisait se sentir une toute petite fille prise en faute.

- Je ne sais rien de ton histoire et je ne veux rien en savoir. Mais saches bien une chose, on ne se venge pas des dieux. Ils n’en ont strictement rien à cirer des pauvres mortels que nous sommes, alors ta petite croisade ne te servira à rien si ce n’est à détruire une vie que tu pourrais avoir heureuse. Ca n’est pas en te faisant tuer pour Brakmar que tu changeras ce qui a pu se passer. Si vraiment tu tiens à emmerder ta déesse, renies-là. Tu perdras tes pouvoirs et elle une fidèle, mais tu seras libre. Libre et faible. Et ça, tu ne le veux pas, je le lis dans tes yeux. Tu es trop assoiffée de puissance pour aller jusque là. Que gâchis…

- Gachis que je veuille me battre pour mes opinions ?!!!

- Gâchis que tu choisisses les mauvais moyens ! Il y a d’autres voies que celles d’un pion sacrifiable…

- Et lesquels ? Etre un vulgaire rodeur qui détrousse les cadavres ?!!

- Mieux que d'être aveugle à ce point...

Khyrraréalisa qu'elle avait été trop loin. Ce type lui avait sauvé la vie et elle réagissait comme... une brakmarienne, sans aucune considération pour autrui. Ne sachant que faire et n'ayant nullement envie de s'excuser, elle laissa un lourd silence s'installer. Pendant ce temps, le sacrieur ne la quittait pas des yeux, l'étudiant comme on le ferait d'une bête mise à la vente.

- Quel est ton nom?

- Khyrra.

- Et bien Khyrra, tu n'auras plus besoin de cela maintenant.

D'un geste, il reversa son creuset sur le feu, qui s'éteignit en crachant. La sacrieuse sourit, soulagée de ne plus avoir à ingurgiter cette horreur.

- Et vous?

L’homme sembla hésiter un instant, comme si se dévoiler risquer de le mettre en danger, mais il finit par accéder à la demande.

- On m’appelle Synagar. Mes clients n’ont pas besoin de connaître ma véritable identité, ni toi d’ailleurs. D’ailleurs…

« Clients ? »

Alors que la sacrieuse allait l’interroger sur ce point, le fameux Synagar s’était déjà éloigner pour disparaître dans la cabane. La sacrieuse soupira : ce type était étrange, mais elle finirait bien pas savoir de quoi il retournait. Pour le moment, d’autres choses plus immédiates et plus matérielles s’imposaient : son estomac criait famine et elle comptait bien y remédier. En grimaçant, elle emboîta le pas à son sauveur, en espérant bien trouver de quoi se sustenter chez son hôte.


Dernière édition par Khyrra le Mar 16 Déc - 17:34, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule   [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule Icon_minitimeJeu 18 Sep - 6:41

Chapitre 4 : Chute (Octolliard 629)


Les jours passèrent, puis les semaines. De l'orageux début d'été, il ne resta bientôt qu'une nature grillée par les ardeurs solaires, mais déjà les feuilles des feuillus se teintaient d'or et de pourpre. La sacrieuse avait repris des forces et recommençait une vie « normale » faite d’entraînement dès que sa blessure le lui permis. Elle avait fini par s’adapter aux curieuses manies de son sauveur, faites de longues absences ponctuées de brefs retours où sa bourse semblait bien plus remplie qu’à son départ. D’ailleurs, ces jours-là étaient souvent synonymes de festins crépusculaires, où l’on fêtait elle ne savait quelle victoire. Jamais elle ne vit une autre personne, seuls de rares tofus messagers venaient troublait le calme de leur refuge.

Bien sûr, elle aurait pu quitter l’endroit dès qu’elle avait été en état de marcher, mais quelque part, cet homme la troublait et l’impressionnait grandement. De plus, il n’était pas avare de son savoir, malgré ses dehors bourrus. La sacrieuse y trouvait donc son compte et apprenait avidement ce qui lui était enseigné. Pourtant, ce calme ne pouvait pas durer…

Bien avant l’aube, Synagar avait retourné leur refuge de fond en comble. Khyrra s’était contentée d’ouvrir vaguement un œil, de grogner, puis de se retourner sous sa couverture pour replonger dans le sommeil. Une énième disparition mystérieuse… Elle n’allait pas s’en formaliser même si l’heure était réellement matinale et que le sacrieur poursuivit son cirque plusieurs heures durant. Lassée, elle finit par se lever et gagna la forêt toute proche pour y trouver un peu de calme, laissant Syn à sa fébrilité dont elle ne comprenait pas la cause. Là, installée sous un vieux châtaigner et armée d’une simple tailladeuse, elle entreprit de passer en s’exerçant à tailler quelques branches ramassées sur le trajet. Elle appréciait ces moments de solitude, où le travail manuel vidait l’esprit et que les gestes devenaient aussi naturelle que respirer.

Par précaution, elle ne s’étaient pas enfoncer trop loin sous la frondaison épaisse, ne serait-ce que parce qu’elle restait titillée par l’agitation de Synagar. La matinée était déjà bien avancée lorsque les échos d’une discussion la tirèrent de sa rêverie. Elle reconnut sans mal la voix du sacrieur, mais l’autre lui était inconnu. S’approchant sous le couvert des arbres, elle saisit quelques brides de paroles, bien avant d’apercevoir l’interlocuteur de son hôte.


- Elle doit traîner dans le coin, la miss n’aime pas être déranger de bon matin.

- Penses-tu vraiment que ce soit la meilleure solution que de la ramener à Bonta ? A ce niveau, elle n’y arrivera pas vivante, et d’ici à ce qu’elle le reste si elle passe les remaprts…

- Ca c’est ton problème, pas le mien. Votre guerre, vous vous démerdez avec, moi, je vais pas pouvoir la garder éternellement ici. Attends moi ici, je vais tâcher de la tirer de sa cachette.

Synagar administra une petite tape sur l’épaule du pandawa qui s’avéra être son mystérieux interlocuteur. Jeune, Khyrra lui donnait à peine son propre âge, il regarda le sacrieur disparaître à l’angle de sa cabane, puis promena son regard sur les environs, visiblement peu à l’aise seul au milieu de la cambrouse. Khyrra, elle, bouillonnait de rage depuis sa cachette.

- Traitre…

Patientant dans l’ombre, elle laissa Synagar s’éloigner à sa recherche, comptant les secondes pour se donner un peu de marge. Ainsi donc, s’il l’avait soignée, c’était uniquement pour mieux la vendre après… Et dire qu’elle avait confiance en lui ! Serrant les poings, elle réfléchissait à la meilleure solution. Fuir lui paraissait être la plus simple, mais ce serait trop facile. Elle percevait l’aura écoeurante typiquement bontarienne du pandawa, et ses impressions se renforcèrent à la vue des petites ailes de plumes blanches qu’il arborait dans son dos.

« Un poussin… Il me pense donc si inoffensive ? Je vais lui montrer ce que je vais en faire de son poussin ! Je vais le plumer ! »

Voulant profiter du fait qu’il lui tournait le dos, la sacrieuse bondit au travers des fourrés, ce qui ne manqua pas de faire craquer quelques branches sèches au passage. Surpris par le bruit, sa cible se retourna, ce qui la stoppa nette dans son élan. Tous deux restèrent là, figés, à s’observer, mais le pandawa fut le plus rapide à se resaissir.

- SYN ! Je crois que je l’ai trouvé !

« CHIER ! Lui, je peux me le faire, mais pas l’autre brute ! Changement de plan !

L’instant d’incertitude cessa immédiatement et la sacrieuse plongea à nouveau dans les broussailles le pandawa sur les talons, qui lui criait de s’arrêter. Rapidement, Khyrra mit au point son plan d’action. Après un brusque virage, avisant une branche un peu plus basse que les autres mais en mesure de soutenir son poids, elle se détendit d’un coup, l’attrapa et se hissa à la force des bras. En équilibre, elle vit passer son poursuivant qui ne semblait pas avoir remarquer son esquive. Mais celui-ci n’était pas totalement idiot, et après quelques mètres sans plus voir la jeune femme, il revint sur ses pas et se mit à fouiller la zone.

Tel un chacha guettant un piou, Khyrra attendit, tapie sur sa branche, qu’il revienne sous l’arbre. Alors, elle se laissa glisser souplement dans son dos, silencieuse comme la mort qu’elle apportait, sa tailladeuse à la main. Le pandawa n’eut pas le temps de réagir lorsqu’il se redressa après avoir inspecté un buisson. La lame à peine émoussée par le travail du bois glissa sur la fourrure et lui ouvrit la gorge d’un bord à l’autre. Khyrra se dégagea et fait quelques pas de côté afin d’entrer dans son champ de vision et de contempler son œuvre, sa dague ensanglantée à la main. Le pandawa trébucha, ses mains tentant frénétiquement de retenir la vie qui le fuyait à flot, sans réellement comprendre qu’il avait scellé son destin en la suivant dans la forêt. Khyrra, arborant un sourire mauvais et particulièrement fière de son succès, le toisait de haut. Lentement, elle porta la tailladeuse à sa bouche et lécha le sang qui ruisselait le long de la lame, sans quitter son ennemi vaincu du regard.


- Chien de Bontarien… Crèvent donc comme l’animal que tu es, égorgé comme un vulgaire porc. Dommage… Je ne serais plus dans les parages pour voir les charognards dépecer ton cadavre, vraiment dommage…

- Oui, c’est vraiment dommage !

Au son de cette voix si proche, Khyrra réalisa son erreur. Toute à sa victoire, elle en avait oublier les plus élémentaires bases de prudence. A quelques mètres seulement, se dressait Synagar, et visiblement, il n’était pas, mais alors pas du tout satisfait du sort qu’elle avait réservé à son invité. La sacrieur n’eut pas le temps de balbutier une explication bidon qu’elle avait déjà compris que son escapade risquait de se voir mis un terme plus que définitif, alors que les tentacules d’attirance se déployaient, l’entravaient et la ramenait vers son bourreau.

- C’est donc tout ce que tu fais de mon hospitalité ! Tu es pire qu’un animal, tu n’es qu’une démone de la pire espèce.

L’air crépita et claqua d’un coup sec lorsque la punition se déchargea sur la jeune femme, ébranlant sa chair et ses os en une vague de douleur intense. Le regard furieux, Synagar la jeta à terre d’une gifle violente, puis l’enjamba sans plus se préoccuper d’elle pour se porter auprès du pandawa. Mais il n’y avait plus rien à faire pour celui-ci, gisant dans son sang, mort.

Pour Khyrra, cela n’avait plus aucune importance. Recroquevillée, elle tentait surtout de se remettre des effets du sortilège. Une punition n’était jamais facile à encaisser, et dans la majorité des cas, s’avérait même mortelle. Pour un sacrieur, le risque d’y passer était moindre, mais l’attaque n’en restait pas moins extrêmement douloureuse. Elle ne vit donc pas ce qui se passa à quelques mètres, et le retour de Synagar auprès d’elle passa également inaperçu jusqu’à ce qu’elle sente sa main posée sur son cou. Pourtant, elle ne broncha pas, attendant la mise à mort en se demandant simplement s’il allait l’étrangler ou lui briser la nuque. Mais rien de tel ne se produisit. La main se referma en une poigne de fer à la base de sa longue natte. Sans efforts apparents, Synagar la souleva du sol comme un chaton inoffensif, la traîna sur une courte distance et la laissa retomber à côté du corps sans vie, sans aucune délicatesse. Puis il tira son épée et pointa la lame sur la sacrieuse.


- Tu vas lui donner une sépulture descente !

La sacrieuse se redressa à demi et le défia du regard.

- Jamais ! Cet emplumé ne mérite même pas ma haine ! Qu’il finisse bouffé par ses frères les asticots !

Franchement à bout de patience, le sacrieur la frappa du plat de son arme.

- Ca n’est pas une suggestion ! Tu obéis ou je te jure que tu regretteras de ne pas être morte sur le coup !

Sur ce, il tourna les talons, certain que la jeune femme ne prendrait pas la fuite. Certain également qu’elle plierait enfin et retrouverait un semblant de civilité. Rien n’était moins sûr avec Khyrra…


Dernière édition par Khyrra le Mar 16 Déc - 17:34, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule   [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule Icon_minitimeJeu 18 Sep - 20:31

Chapitre 5 : Le miroir du coeur (Octolliard 629)



Une fine pluie d’automne humidifiait la forêt depuis une petite heure déjà, mais pour la jeune sacrieur calée entre les racines d’un vieux chêne, elle n’était qu’un baume apaisant sur la colère qui la rongeait depuis le départ de Synagar. De lors qu’elle s’était abrité sous l’antique arbre, elle n’avait plus bougé d’un pouce, le regard rivé sur le cadavre déjà froid, dont la bruine avait fini par laver le sang, ne faisant que de ruminer sa rancœur et son sentiment de trahison. Elle lui avait fait confiance et il l’avait vendue. Et maintenant, il espérait qu’elle allait s’avilir à enterrer ce chien ! Jamais !

L’eau détrempait ses vêtements et collait ses cheveux sur son visage, lui donnant une allure de spectre décharné, mais elle n’en avait cure. Les heures passèrent ainsi, le soleil atteignit son zénith, masqué par un ciel gris et lourd de nuages, puis la lumière déclina jusqu’à ce qu’une froide nuit sans lune s’installa. Lorsque le jour pointa de nouveau à l’horizon, en une aurore blafarde sur un paysage encore humide de la dernière pluie, la silhouette était toujours sous son chêne, immobile statue. A jeun depuis plus d’une journée, n’ayant pas fermé l’œil de la nuit, Khyrra n’en éprouvait pas le besoin, sa haine suffisant à la nourrir et à la soutenir. Elle ne cèderait pas, et ne prendrait pas la fuite en donnant au sacrieur une raison de la pourchasser, même si cela impliquait de se laisser dépérir sur place.

Le bruissement de la nature s’éveillant fut soudain rompu par le bruit de feuilles mortes crissant sous les pas. La haute silhouette de Synagar se détacha rapidement parmi les arbres, mais khyrra n’y prêta aucune attention. Venait-il vérifier que ses ordres avaient été appliqués ou s’inquiétait-il sincèrement de ne pas la voir revenir ? Difficile à dire, lui-même n’aurait su le dire. Toujours est-il qu’il vint s’asseoir en face de la sacrieuse et tira de son sac un peu de pain encore chaud et de viande grillée. L’odeur était alléchante, mais cela ne sembla pas atteindre Khyrra.


- Que me veux-tu cette fois ?

Elle daignait enfin s’intéresser à son visiteur, mais l’accueil était plus qu’hostile. Synagar ne sembla pas pour autant pris de court. Il porta la main à son cou, et deux yeux félins à l’éclat d’or apparurent dans ce qui passait jusqu’à présent pour un simple col de cape en fourrure noire. Le chacha bailla, s’étira et sauta de l’épaule de son maître pour fureter alentour, se rapprochant peu à peu de la jeune femme.

- Tu es plus bornée qu’un rocher. Ca t’aurais coûté quoi de l’enterrer, même sommairement ?

Il jeta un regard insistant en direction du corps du pandawa.

- Te faire plaisir peut-être ?

Khyrra sourit, mais un sourire mauvais, sans joie, qui exprimait juste sa colère.

- Tu m’as vendue à Bonta et tu espères que je t’en sois reconnaissante ? A combien s’élevait la prime cette fois ? Je ne suis qu’une éclaireuse, je n’aurais pas rempli ta bourse outre mesure… L’autre là… Je me suis défendue, point barre.

Synagar éclata de rire ?

- Tu ne vas quand même pas me dire que tu as vu une menace dans ce gosse ? Il savait à peine se battre et tu l’as massacré. Khyrra, je l’ai fait venir pour t’offrir une seconde chance, une chance de sortir de l’enfer de Brakmar...

- Tu te fous de moi ou tu es vraiment con ? Une chance ? Je n’aurais pas eu le temps de poser un pied dans la cité de poolays que la milice me serait tombée dessus, et j’aurais fini dans les geôles de Bonta, torturée jusqu’à ce que je lâche le peu d’informations que je connaisse sur mon camp. J’ai déjà vu des Bontarienes en action, ils ne valent pas mieux que les Brakmariens à ce niveau, ce ne sont pas des anges. Alors tu m’excuseras, mais ta chance, je préfère la voir morte dans un ruisseau plutôt que d’y laisser, moi, ma peau.

Un lourd silence s’installa. Synagar avait compris qu’il ne parviendrait pas à la raisonner, pas alors qu’elle bouillonnait encore de haine. Il n’aimait pas particulièrement les Bontariens, pas plus que les Brakmariens, et cette guerre l’indifférait au plus haut point, hormis les quelques kamas qu’il pouvait parfois en tirer. Mais il devait bien reconnaître que cela le désolait de voir la jeune femme y gâcher sa vie.

- Pourquoi tant de haine ? Ca ne te mènera nulle part…

Ce fut comme si Khyrra avait reçu un coup de fouet, le regard brillant et la voix indignée.

- Ils ont tué mon père !

Nous y voila, la vengeance aveugle, stupide et vaine quête qui ne prendra jamais fin.

- Ton père s’est fait tué sur un champ de bataille, il a choisi de partir au suicide, nuance.

- Qu’en sais-tu ? Tu y tais peut-être ?

- Non, mais je me suis renseigné un minimum sur toi après t’avoir sauvé, et je commencé à regretter cette faiblesse. Et quand bien même quelques Bontariens y seraient pour quelque chose, faut-il pour autant les exterminer tous ? Ou es-tu de ces fanatiques qui servent Rushu en espérant récupérer quelques faveurs au passage ?

- Je ne sers personne !

- Oui oui, tu me l’as déjà faite celle là, et pourtant tu suis bêtement un endoctrinement. Où sont donc ton honneur, ta fierté ? Ta liberté ? Ces derniers jours, j’avais cru voir autre chose qu’un bête soldat prêt à mourir sur un ordre stupide. Je me suis trompé…

Il soupira et se releva. Khyrra détourna les yeux, elle ne pouvait supporter ce regard chargé de pitié.

- Tu es libre, tu peux partir, y compris retourner servir tes maîtres démoniaques. Nous ne nous reverrons pas…

Il fit quelques pas et s’arrêta à nouveau.

- Khyrra ? Quand des parents nomment leur enfant, ils espèrent qu’ainsi, son destin sera dirigé par ce choix. Connais-tu la signification de ton prénom ?

Celle-ci releva la tête.

- Bien sûr, il se traduit par justice.

- Justice… Si l’on veut. Cela veut surtout dire « celle qui tranche ». Si on en croit les usages, tu aurais pu être dirigeante, juge, décisionnaire, exécutante ou encore bourreau. Voila ce que signifie ce nom que tu portes. Mais je doute que tes parents aient voulu que tu deviennes ce que j’ai devant moi : une bouchère sans âme, qui tue par simple plaisir. Pourtant, au fond de ton cœur, tu n’es pas si mauvaise que cela… Saiga !

Reconnaissante le nom de la petite chachatte de Synagor, Khyrra réalisa qu’elle caressait inconsciemment la boule de poil soyeuse lovée sur ses genoux depuis de longues minutes.

- L’instinct ne se trompe pas, et si ton âme avait aussi noire que tu veux le faire croire, tu l’aurais tuée elle aussi.

L’animal la fixait de son regard d’ambre, la sacrieuse se sentit soudain mal à l’aise, comme mise à nue. Le familier miaula doucement puis rejoignit son maître qui s’éloignait déjà.

Ce dernier échange laissa Khyrra désemparée. Elle était impulsive certes, plus prompte à frapper qu’à négocier, sans pitié également, mais de là à dire qu’elle aimait tuer… elle qui avait toujours réfuter n’être qu’une tueuse de plus dans les rangs de la cité noire. Si elle avait choisi la dangereuse vie d’éclaireur, c’était plus pour ne pas se retrouver mêlée aux carnages organisés qu’étaient les batailles entre les deux camps, que par réelle vocation pour cette tache.


« Une bouchère… »

Khyrra n’avait jamais aimé entendre des vérités qui la dérangeaient, le plus souvent, elle préféraient ignorer l’avis des autres, dès lors qu’il allait à l’encontre de ce qui l’arrangeait. Involontairement, son regard se posa sur le cadavre. Non, en fait, elle n’avait eu aucune raison valable pour le tuer, elle aurait très bien pu se contenter de l’esquiver. Non, elle avait voulu sa mort et qu’elle soit aussi avilissante que possible. Il n’y avait aucune justice là dedans, juste la soif de sang et une proie facile qui lui permettait de se défouler sans risque. Voila ce qu’elle était devenue. Insidieusement, cela lui rappela la première fois qu’elle avait pris une vie et le dégoût qu’elle avait approuvé devant et acte.

Citation :
Forêt d’Amakna, fin de matinée ensoleillée. Dans le clair obscur des sous bois, se glissant souplement entre les fougères et les buissons sans les faire frémir plus qu’un souffle de brise, Khyrra traquait sa proie depuis l’aube. Depuis qu’elle l’avait débusqué dans le coin des bouftous, elle l’avait poursuivi avec opiniâtreté par monts et par vaux, sans relâche, sans jamais la lâcher. La créature avait pensé trouver le salut dans les taillis broussailleux et épineux de la forêt, mais rien n’avait découragé la sacri, pas même quelques épines plantées dans les pieds, ou les griffures des ronces sur ses bras.

L’instant critique se rapprochait inexorablement, la tension montait à chaque seconde. La bête se savait acculée, piégée, elle n’en serait que plus dangereuse, plus redoutable. Khyrra aimait cela, cette excitation mêlée de peur, savoir que l’on joue sa vie à chaque buisson, prendre le risque de se faire surprendre malgré toute la prudence dont elle avait fait preuve.

Encore quelques mètres et elle déboucha sur une petite clairière. La lumière plus crue l’éblouit un instant, mais lorsque sa vision retrouva sa clarté, elle repéra la bête de l’autre côté, au pied d’un arbre où elle semblait reprendre haleine. La sacrieuse s’accroupit derrière le rideau d’herbes hautes formant la lisière du bois et observa la configuration du terrain. Elle devrait prendre sa proie par surprise, ou elle passerait du statut de chasseur à celui de victime en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Passer à découvert à travers la clairière était donc exclue, il lui faudrait contourner le périmètre à l’abri derrière les taillis.

La sacrieuse entreprit donc de ramper sur le tapis de feuilles mortes, essayant de se faire la plus discrète possible, tout en jetant de fréquents coups d’œil pour s’assurer que la bête n’avait pas bougé. Lentement mais sûrement, elle finit par atteindre le côté opposé de la trouée. Avec des gestes très lents, elle se redressa et, tendue à l’extrême, prépara son attaque. Un nuage vint masquer le soleil, la sacri choisit cet instant pour bondir hors de sa cachette, couvrir à toute vitesse les quelques mètres qui la séparaient de sa victime et lui asséner sa plus belle attaque en hurlant comme une furie.


- ASSSAUT !!!!!!!!!!!

- Bidip ?

La terrible créature –un pauvre tofu égaré- n’eut pas le temps de s’étonner beaucoup plus avant que le projectile magique ne l’envoie s’exploser contre le tronc de l’arbre dans un nuage de plumes jaunes. Khyrra jubilait. Du haut de ses onze ans, c’était une immense victoire. Un souffle de vent fit frissonner le plumage ensanglanté, lui donnant un semblant de vie.

- Ahaha ! Tu en redemandes vile bestiole ! Tu vas souffrir !


Parfois – voir même souvent, trop souvent – Khyrra avait tendance à se laisser déborder par un enthousiasme et une imagination débridés. Et elle lui colla un deuxième assaut dans les dents, enfin, dans le bec. Assez fière d’elle, elle ramassa le petit corps brisé et l’accrocha tel un trophée à sa ceinture.


- Voila, c’est pas bien compliqué la chasse ! Pourquoi faut-il que les grands en fassent toute une histoire ?


Estimant qu’elle s’était assez donnée sur cette corvée imposée par ses parents pour aujourd’hui, elle reprit le chemin menant au domicile familial. En omettant tous les tours et détours qu’elle avait fait à la poursuite du tofu, le chemin était relativement court pour rejoindre le petit hameau amaknien où vivait Khyrra. Elle se précipita vers la première maison à l’entrée du village, habitation accolée à un atelier de boucher où officiaient ses parents. Dans cette famille de sacrieurs, le métier se transmettait de mère en fille et de père en fils, et Khyrra était bien partie pour ne pas faillir à la tradition.

L’adolescente pousse la porte de l’atelier avec un mélange de crainte et de respect. L’endroit lui inspirait toujours une impression mitigée, avec son odeur résiduelle de sang coagulé et de viande froide. Non qu’elle ait jamais eu peur de la vue du sang, de la douleur ou de la mort –c’est une sacrie ne l’oublions pas- mais c’était comme entrer dans de quelque fauve vorace.


- M’man, P’pa ?

Personne, la pièce était sombre avec ses volets baissés. Khyrra ressortit, elle savait qu’elle les trouverait dans le petit jardin à l’arrière de la maison. Elle fit donc le tour et les trouva bel et bien à l’ombre d’un arbre.

- P’pa, M’aman ! J’y suis arrivée !

Très fière d’elle, Khyrra exhibait le résultat de sa chasse. Ses parents n’avaient pas l’air aussi ravis qu’elle. Shaela, sa mère, finit par prendre la parole, cherchant les mots pour ne pas vexer sa fille.

- Khyrra, ma chérie, le but de la chasse, c’est de ramener quelque chose qui soit encore consommable après. Enfin, ça fera toujours plaisir au chacha…

Khyrra prit alors le temps d’observer sa prise : plus rien à voir avec le tofu d’origine, il ne restait plus qu’un tas de plumes et de chairs agglomérée par du sang. Les larmes lui montèrent aux yeux et elle lâcha le petit corps désarticulé pour s’enfuir dans la maison. Elle eut juste le temps d’entendre la remarque chuchotée par son père :


- Elle est désespérante, elle n’a aucune douceur. C’est à se demander si c’est pas du sang iop qu’elle a dans les veines…

Cette évocation d’un passé fait de bonheur et d’insouciance lui fit monter les larmes aux yeux. Douze années s’étaient écoulées depuis ce jour, mais pour Khyrra, cela aurait tout aussi bien pu être des siècles. Des années de souffrance pour si peu de bonheur, la perte de ses parents, l’éducation de sa sœur, son premier divorce, la perte de son fils… Elle se sentait infiniment plus vieille à cet instant que ses 23 hivers. Elle étouffa à grand peine ses sanglots. Non, elle ne voulais pas de cette image d’elle, pas de cette vie là, mais était-il encore temps d’y changer quoi que ce soit ? Elle regarda le pandawa. Le premier pas est toujours celui qui coûtait le plus. Et qu’avait-elle à perdre ?

L’après-midi était déjà bien engagé lorsqu’elle apparut sur le chemin de terre menant à la cabane de Synagar. Maculée de boue, les cheveux collés au corps, les traits tirés, elle cheminait lentement. Synagar se porta à sa rencontre, affichant son sempiternel air neutre et détaché. Khyrra se contenta de lui fourrer quelque chose dans la main, sans s’arrêter.


- Je ne veux plus en parler. Je partirais demain.

Sans plus rien ajouter, elle disparut dans le refuge, retira ses vêtements trempés et s’effondra sur la paillasse qui lui tenait lieu de couche, harassée. Le sacrieur pour sa part, souriait. Dans sa main scintillait au soleil l’amulette que portait le pandawa. Il n’avait pu la contraindre par la force, mais au final, elle s’était rangée d’elle-même à sa volonté. Décidément, elle lui plaisait bien cette petite furie. Mais pour l’instant, il mit de l’eau à bouillir et les restes de son repas de midi à réchauffer sur le feu, ça ne serait pas de trop au réveil de la jeune femme.


Dernière édition par Khyrra le Mar 16 Déc - 17:35, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule   [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule Icon_minitimeJeu 18 Sep - 20:31

Le lendemain, au petit jour, Khyrra était prête à partir, comme elle l’avait annoncé. Les deux sacrieurs partagèrent un dernier repas autour du feu de camp, discutant de rien, pour éviter tout sujet sensible. La tension était retombée, mais Khyrra restait réservée et mal à l’aise. Bien qu’à contre cœur, elle avait hâte de quitter cet endroit et de laisser derrière elle ses actes de la veille. Finalement, elle se leva pour rassembler ses maigres possessions et quelques provisions pour la route. Synagar la rejoignit à l’intérieur et tira d’un coffre verrouillé un paquet roulé dans une toile de jute rêche qu’il lui tendit. Surprise, Khyrra l’ouvrit. Il y avait là son ortiz, rapiécée de toute part, son bandeau aux fleurs de kaliptus un peu desséchées mais toujours intactes, divers breloques et accessoires, ainsi qu’une longue lame dans son fourreau, qui lui était inconnue. Elle tira l’arme et esquissa quelques mouvements pour en jauger l’équilibre.

- J’espère que ce glaive te sera utile, toi qui aimes tant répandre les entrailles de tes ennemis.

le ton était acerbe, légèrement provocateur, mais de bonne guerre. Le chacha du sacrieur choisit cet instant pour surgir de nulle part, une minuscule touffe de fourrure noire piaillante dans la gueule, qu’il vint déposer aux pieds de la sacrieuse.

- Celes a aussi un souvenir pour toi, à priori. Prends en le plus grand soin, ou elle te poursuivra de sa rage de mère indignée jusqu’à la fin des temps. Je l’ai appelé Cendre et j’espère qu’il t’aidera à consumer ton passé.

Khyrra ramassa le chaton tout juste sevré : il tenait encore dans le creux de sa main, mais le simple contact avec sa nouvelle maîtresse suffit à calmer ses cris plaintifs.

- Je ne peux pas accepter, pas après ce que j’ai fait hier…

- Ca n’est pas un cadeau et je ne te laisse pas le loisir de refuser. Tu m’as coûté suffisamment cher pour ne pas te faire tuer par le premier clochard venu.

Khyrra ne trouva rien à répliquer, elle équipa donc les différents éléments en silence.

- Réfléchis bien à ce que tu veux faire de ta vie. Il existe d’autres voies que celle de la guerre, tu n’y gagneras jamais que souffrance et désespoir.

- Mais sont-elles faites pour moi ?

Sans plus un mot, Khyrra tourna les talons, son baluchon sur l’épaule. Quand elle eut disparu au bout du chemin menant vers l’ouest, une silhouette se glissa aux côtés de Synagar. Emmitouflé dans une cape ample, il était difficile d’établir ne serait-ce qu’un fragment de son identité.

- Es-tu satisfait du résultat ? Cela valait-il la peine de sacrifier ce gosse ?

- Depuis quand te soucis-tu de la viandasse des cités ?

- Il me semblait pourtant que tu l’appréciais bien ce gamin…

- Hum… J’aurais préféré qu’elle ne le tue pas, mais il faut bien que ce genre d’ami serve. J’espérais simplement avoir le temps de la mettre en condition et qu’elle saurait contrôler sa haine.

- C’est plutôt raté à ce niveau… Tu connais son passé, tu aurais dû t’en douter. Elle restera à jamais incontrôlable, es-tu vraiment sûr que…

- Me suis-je déjà trompé en choisissant un potentiel ? Elle n’est qu’au début du chemin, mais crois-moi, elle finira vite par comprendre qu’elle n’est qu’un pion pour Brakmar. Et elle ne va pas apprécier, non, pas du tout…

L’ombre ne répondit pas. Ils seraient fixés bien assez vite de toute façon.

- Je serais à Brakmar bien avant elle, ton message trouvera son destinataire dans les temps. Tu joues un jeu dangereux Syn…

- Je sais, et c’est là que ça devient intéressant.

- Tu es le plus cinglé d’entre nous tous…

- Et c’est bien pour ça que vous me suivez. Tous...
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MessageSujet: Re: [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule   [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule Icon_minitimeDim 26 Oct - 22:18

Chapitre 6 : Fin de service (Novamaire 629)



Le soleil couchant illuminait d’un éclat sanglant les murailles sinistres de Brakmar. Le voyage de retour avait paru étrangement court à la sacrieuse, comme si quelque chose au fond d’elle avait voulu que son chemin l’éloigne de la sombre cité. En passant le pont enjambant la coulée de lave nord, un sentiment de perte lui étreignit le cœur. Elle jeta un dernier regard en arrière, sachant pertinemment quelle tournait le dos à une liberté qu’elle avait savouré sans en prendre conscience. Mais c’était son devoir que de rentrer faire son rapport, surtout après cette disparition de quelques mois.

« Mouarf, ils doivent m’avoir déjà classé dans les portés disparus. Le commandant n’a même pas dû verser une larme sur mon sort. »

Haussant les épaules, elle s’enfonça dans les rues obscures chargées de la puanteur du souffre volcanique et se dirigea vers la milice. Chaque pas voyait son visage se fermer, ses traits se durcirent, comme si elle se gorgeait de la noirceur de la ville. Sur le seuil de la milice, elle repensa fugacement aux jours passés, un doux rêve qui s’évaporait, puis elle entra dans la bâtisse, résignée au fond d’elle à reprendre ses patrouilles, et se dirigea vers un réduit puant le renfermé à 100 mètres, qui servait de bureau à son supérieur. Elle s’attendait vaguement à être interceptée au moins pour une identification, mais rien. On entrait dans la milice comme dans un moulin, cela n’avait pas changé, ce laxisme ambiant…

La porte était ouverte et le garde de faction, dernière malheureuse recrue en date, s’écarta pour la laisser passer. Assis derrière un bureau encombré de plus de reliefs de repas que d’ouvrages de guerre, se tenait un feca, Larel, son supérieur, plongé dans la lecture d’un parchemin quelconque.


- Toujours ponctuelle Khyrra… Pile à l’heure où l’on avait annoncée…

Annoncée ? Cette déclaration laissa Khyrra perplexe. Nul ne savait où elle avait passé ces derniers mois, et encore moins qu’elle allait revenir précisément ce jour-là. Elle n’avait jamais aimé cet homme mais s’était pliée aux ordres sans jamais en discuter l’imbécillité souvent apparente. Elle ne le craignait pas, mais elle savait parfaitement quel pouvoir il détenait de par sa position. La porte se referma derrière elle en grinçant sur ses gonds rouillés et la fit sursauter. Après quelques minutes de silence, le feca finit par lever les yeux de son document et fixa la jeune femme. Celle-ci, commençant à se sentir mal à l’aise, ne savait trop sur quel pied danser, mais elle finit par prendre la parole.

- Je viens faire mon rapport…

Elle n’eut pas le temps de poursuivre.

- Quel rapport ?!?! Celui de la perte d’une unité complète d’éclaireur ? Es-tu satisfaite de tes actes, traîtresse ?

- Je…

- Tu les as attiré dans un guet à pend, les as-tu regarder se faire massacrer ou y as-tu toi-même pris part ? Combien t’a-t-on payé pour trahir ? Et maintenant tu rentres au bercail pour poursuivre ton œuvre !

- Je n’ai rien fait de tel !

L’incompréhension du début faisait peu à peu place à une colère contenue. S’il y avait une chose dont Khyrra avait horreur, c’était d’être accusée à tord, et peu importait l’interlocuteur en face et son rang. D’ailleurs, sa réponse ne semblait pas convenir à Larel qui quitta son bureau, son parchemin à la main, pour venir le lui fourrer sous les yeux, l’air triomphateur.

- Rien fait ? J’ai là un rapport reprenant point par point ta fameuse dernière mission, le déroulement du piège et comment tu as disparu dans la nature après ton méfait ! Et étrangement, sur les lieux du carnage, nulle trace de toi ! On t’a même signalé à Bonta ! Maintenant que tu as grillé ta récompense, tu reprends du service ! Qui sera le prochain ? Qui t’a-t-on ordonné de tuer cette fois ? Moi peut-être ?

Un simple coup d’œil avait suffit à la sacrieuse pour survolait le texte. Tout était exactement décrit jusqu’à l’attaque, mais à partir de là, cette version différait complètement de ce qu’elle avait vécu et la présentait comme un monstre trahissant pour quelques kamas. Pendant qu’elle ruminait sa rage, le feca continuait à l’acclabler.

- Mais cette fois, tu es démasquée et tu n’as aucune chance de t’enfuir ! Rends-toi sans faire d’histoire et nous saurons faire preuve de miséricorde…

« Mais qu’est-ce qu’il raconte ? Quelqu’un a pondu ce torchon pour se couvrir ou se débarrasser de moi, si ça n’est lui-même pour ne pas avoir à assumer son incompétence. Et la miséricorde sauce brakmarienne, je la connais trop bien pour y accorder un quelconque crédit. Il peut toujours rêver ! »

Lorsque Khyrra redressa la tête après sa lecture, ses yeux brillaient de colère et de défi. Elle coupa net son commandant dans ses accusations.

- Ceci n’est qu’un tissu de mensonge ! Si j’avais été assez folle pour faire ce dont on m’accuse, je ne serais pas revenue ici même. Larel, ton laxisme est célèbre, mais il va falloir engager un de ces jours des espions compétents et pas des abrutis incapables de fournir de fausses preuves qui ne tiennent pas la route !

Se détournant légèrement, elle écarta sa cape et dévoila la longue cicatrice qui lui barrait le dos, courant le long de sa colonne vertébrale.

- Et ça, c’est un souvenir de permission peut-être ? J’ai bien failli y laisser ma peau dans ce piège, comme tous les autres, et si je suis encore en vie, c’est uniquement par la volonté de Sacrieur. Si elle n’avait pas mis un inconnu sur ma route, mon cadavre serait aussi à pourrir là bas !

Mais Larel ne paraissait pas décidé à s’arrêter à de si basses considérations que la vérité. Il avait trouvé un coupable, il entendait bien que celui-ci coopère.

- Ou c’est encore un de vos petits jeux de sacrieur et tu comptes t’en servir pour te justifier ! Tout le monde sait à quel point souffrir vous procure du plaisir, et que vous aimez autant vous torturez vous-même que vos ennemis ! Mais en revanche…

Son ton s’adoucit subitement.

- Il serait dommage de perdre un bon élément. Et plutôt que de te retrouver à te balancer au bout d’une corde après un détour par nos confortables geôles, je peux te proposer un arrangement.

Khyrra sentit venir le coup foireux lorsqu’il lui saisit le bras et l’obligea à reculer jusqu’au bureau.

- Après tout, les sacrieuses ne sont pas des moins avenantes et tu ne déshonores pas ta déesse à ce niveau. On raconte également que tu n’es pas du genre à dédaigner les hommes…

- Certainement pas avec un porkass comme toi !!!

Ayant parfaitement compris les intentions du feca, Khyrra saisit la première chose traînant sur le meuble et qui lui tomba sous la main. Avec un grognement furieux, elle planta son arme improvisée dans la gorge de son supérieur. L’os de gigot de bouftou, que l’on avait brisé pour en extraire la moelle, s’avéra aussi efficace que n’importe quelle dague pour transpercer la chair. Oubliant toute retenue, la sacrieuse se focalisa sur toutes ces années de corvées ingrates et surtout sur l’air concupiscent désormais effacé de Larel.

- Ne me touche plus jamais !!

Encore et encore, elle abattit son arme jusqu’à ce que les cris cessent et que le corps ne soit plus qu’un tas de chaires lacérées inerte. Brusquement, la porte s’ouvrit à la volée lorsque le garde de faction commença à s’inquiéter du soudain silence. Lorsqu’il vit la sacrieuse couverte de sang penchée sur le cadavre de son chef, il en restant bouche bée de stupeur. Cet instant suffit à Khyrra pour reprendre ses esprits et juger de la situation critique où elle se trouvait. Au lieu d’un complot factice, elle se récoltait une accusation de meurtre sur son supérieur direct ! Et avec suffisamment de témoins potentiels pour faire plonger n’importe quel ponte de la ville. Alors elle, une simple éclaireuse… Il ne lui restait plus qu’une solution : prendre la fuite. Le cri d’alerte du garde qui se réveillait enfin la fit bondir sur ses pieds et considérer la seule option disponible à part retraverser toute la milice : la fenêtre. Deux étages et une chute sur les pavés brakmarien, autant dire une folie.

« Mieux vaut que je me brise le cou maintenant que de finir entre les mains du bourreau ! »

Les premiers échos des renforts en approches furent couverts par le bruit du verre brisé lorsque la jeune femme se jeta au travers de la vitre. La chute fut courte et vite interrompue par un pauvre quidam qui passait par là et qui ne devait absolument pas à prendre une sacrieuse sur la tête, mais au moins finit-il sa triste vie en amortisseur fort bien venu. Khyrra ne s’arrêta pas pour présenter ses condoléances à la famille et s’élança dans les rues en courant comme si elle avait tous les démons aux trousses – ce qui, à quelques détails près, revenait au même. Mais Brakmar n’est pas le petit village de trois maisons et elle du s’arrêter à bout de souffle à mi-chemin de la porte Est, la moins bien gardée dans ses souvenirs. Épuisée mais lucide, elle avisa alors un enclos renfermant quelques montures attendant visiblement un départ prochain. Ouvrant la barrière, elle saisit par la bride la dragodinde lui semblant la plus endurante, l’enfourcha et la poussa vers la sortie de la ville. La porte apparut bientôt, et comme elle s’en doutait, la garde n’avait pas encore donné l’alerte vers cette zone négligée. Et c’est avec un soulagement intense que Khyrra franchit cette limite qui marquait la fin de sa servitude.

Pourtant, elle n’en poursuivit pas moins sa fuite au travers des landes de Sidimote, le risque de tomber sur une patrouille ou d’être rattrapée ne quittait pas son esprit. Après des heures de courses effrénées, la dragodinde commença à montrer des signes de fatigue. Mais Khyrra préféra ne pas lui accorder de pause, quitte à la crever en route. Ce qui ne manqua pas d’arriver, l’animal s’écroulant d’un coup et jetant sa cavalière à bas en rendant son dernier souffle. La sacrieuse se releva et continua pesamment son chemin à pied, jusqu’à trouver un amoncèlement de rocher formant une cavité où elle se réfugia.


- Mais qu’ais-je fait ?

Sous cet abri de fortune, la tension accumulée la submergea et elle laissa enfin couler ses larmes jusqu’à ce que l’épuisement la fasse sombrer dans un sommeil agité.

Une lumière blafarde commençait à poindre à l’horizon, le jour n’allait plus tarder à se lever. Il lui fallait prendre une décision, Khyrra retourna pour la énième fois l’écusson de la garde brakmarienne entre ses mains, se remémorant les évènements qui l’avait conduite à ce choix bien des années plus tôt : une obligation de vengeance, l’inconscience et l’impétuosité de la jeunesse, un amour irraisonné et voué à l’échec, et surtout, une rébellion face à l’ordre divin.

Elle ne pouvait plus laisser le passé dicter son avenir. Maintenant que les raisons autrefois un tant soit peu valables n’étaient plus que fumisterie, il était temps qu’elle vive pour elle-même et non plus pour des ombres depuis longtemps évanouies. Brakmar l’avait asservie, avilie et maintenant trahie. Maintenant, elle n’était plus qu’une cible à abattre pour son ancienne cité. Les temps s’annonçaient sombres et sa liberté retrouvée avait un goût d’amertume.

Elle froissa l’écusson et le jeta sur le sol. Il lui restait une dernière chose à faire avant de quitter son refuge de la nuit. Dans le soleil levant, elle tira son épée, matérialisa ses ailes brakmarienne qu’elle n’aimait pas afficher et les trancha l’une après l’autre, acceptant la douleur et le sang comme une purification. Alors seulement, elle reprit sa route, sans même savoir où désormais aller.


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MessageSujet: Re: [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule   [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule Icon_minitimeLun 10 Nov - 22:54

Chapitre 7 : Anonymes et invisibles (Martalo 630)



- Allez, une fois de plus, les morts seront plus accueillants que les vivants.

Lasse, la sacrieuse déposa sur le sol le sac qui contenait toutes ses possessions et appuya un arc long et son carquois de flèches contre la pierraille. Elle recula d’un pas et contempla d’un œil critique l’édifice qui se dressait devant elle : la crypte était aux trois quart éboulée et accusait des années d’abandon, oubliée comme toutes les autres formant l’ancien cimetière de Bonta. Tirant une dague de sa ceinture, elle fit sauter la serrure rouillée. Attendant quelques instants que sa vision s’habitue à l’obscurité percée de rais de lumière filtrant être les pierres disjointes, elle ramassa ses affaires et s’enfonça dans la tombe. Ce lieu suffirait amplement pour les quelques jours de repos qu’elle espérait prendre pour reconstituer ses forces avant de fuir à nouveau, lorsque ses vivres viendraient à manquer. D’ailleurs, histoire de « fêter » dignement cet emménagement, la jeune femme sortit un peu de viande séchée qu’elle mâchonna machinalement en inspectant son nouvel intérieur.

Passée l’entrée encombrée de gravats faisant écran, elle traversa ce qui semblait être le cœur d’une petite chapelle familiale, pour finir par arriver devant une alcôve occupée par un lourd caveau de marbre sombre gravé d’une inscription à demi effacée. Khyrra ne s’attarda pas et retourna dans l’anti-chambre. Son but n’était pas de déranger les défunts, mais uniquement de squatter paisiblement cet abri de fortune. De là, elle s’attela à l’installation de son campement. La nuit la trouva auprès d’un maigre feu, tout juste suffisant pour se réchauffer et éclairer faiblement les ombres errantes des chaffers passant de temps à autre devant la grille fermant l’accès. La sacrieuse ne craignait pas ces vieux os ambulants et ceux-ci l’ignoraient tant qu’elle ne s’approchait pas trop. De parfaits chiens de garde pensa-t-elle en souriant. Après tout ce temps, elle n’avait pas encore trouvé meilleure planque que les vieux cimetières où seuls les fous et les jeunes inexpérimentés pénétraient – et ceux-là ne représentaient guère de danger pour elle. Serrant sa couverture de voyage contre elle, elle plongea dans un sommeil lourd.



- Que fais-tu ici vermine !

Bien plus que le cri, un coup dans les côtes la mit en éveil… pour se retrouver avec la lame d’une épée sous la gorge. Mais cela ne suffit pas à la démonter pour autant, et c’est pleine d’arrogance qu’elle répliqua à son indélicat visiteur.

- Je dormais, ça ne se voit pas ? Maintenant, si c’est pour la prime, il n’était pas nécessaire de me réveiller pour me tuer !

Après ces mois passés à fuir, elle savait qu’elle finirait par se faire prendre et elle préférait largement se faire tuer plutôt que de retourner en vie à Brakmar – ou Bonta, des deux camps, aucun n’était enclin au pardon, pour finir au fond d’un cachot ou sous la torture. Le tout étant de tomber sur un chasseur de primes un tant soit peu compréhensif... ou n’ayant pas envie de s’embêter avec un prisonnier alors qu’une tête tranchée suffisait largement.

- Khyrra ??? Mais…

Synagar… La sacrieuse reconnut le timbre de sa voix, avant même de voir son visage, éblouie par la lumière de la torche de l’autre. Que pouvait-il bien faire ici, puisqu’il n’était à priori pas sur ses traces ? D’ailleurs, il marmonna quelque chose comme quoi ce n’était pas un endroit pour camper et sorti. Khyrra comprit que les innévitables explications auraient lieu dehors et le suivit quelques secondes plus tard. Le sacrieur l’attendait dans les premières lueurs du jour, assis sur une pierre tombale faisant face à la chapelle, la détaillant avec une insistance qui la mit mal à l’aise.

- Ca ne te réussit pas la cavale… Tu ferais peur à un chaffer…

Ces mois de fuite n’avaient pas épargné la jeune femme. Famélique à force de manque de sommeil et de nourriture, elle avait dû se contenter du maigre résultat de sa chasse ou de ses rapines quand elle le pouvait, la générosité des habitants envers les « criminels » n’étant pas des plus grande en ce monde. Toujours sur ses gardes, prête à réagir à la moindre alerte, son regard avait perdu son arrogance pour faire place à celui d’une bête traquée.

- D’autres de tes « collègues » ne sont pas aussi paisibles que toi… Je suis une cible facile, somme toute.

Sans que Syn ne lui ait jamais parlé de ses activités, elle avait fini par le ranger dans cette frange de la société vivant en marge des lois et des conflits, un chasseur de prime, un mercenaire vivant de son épée, de ceux qu’elle avait vu un jour entrer au service d’une cité pour en poignarder ses soldats le lendemain. Un être sans honneur… Mais vallait-elle mieux maintenant ?

- Il ne tient qu’à toi de changer cet état de fait ! Passes du statut de proie à celui de prédateur !

- Plus facile à dire qu’à faire… Je suis seule, sans appuis, sans plus rien… Mon déshonneur suffit, je ne veux pas jeter l’opprobre sur mes proches.

- Déshonneur, déshonneur… Voila de bien belles fadaises ! Ton seul déshonneur a été de ramper dans la boue et le sang au service d’une armée qui ne voyait en toi que de la chaire juste bonne à être sacrifiée ! Tout ça pour quoi ? Une vengeance qui n’a pas lieu d’être ! Arrête tes larmoiements stupides Khyrra, tu vaux mieux que ça ! Tu pourrais ne plus être seule si tu le voulais réellement ! On dirait que tu attends la mort plus qu’autre chose ! Que comptes tu faire de ta vie ? La passer à fuir, encore et toujours, jusqu’à crever de faim ou implorer devant le bourreau ? Je t’ai connu plus fière que cela…

La tirade enflammée laissa place à un ton plus calme, presque triste. Khyrra, elle, ne savait plus que faire. Sa vie actuelle lui répugnait, mais elle ne voyait pas comment en sortir.

- C’est sans espoir…

- Ca n’était pas ainsi que tu réagissais lorsque tu as tué mon ami... Oui, ce pandawa… Khyrra, en ce monde, il n’y a qu’une règle qui s’applique à tous : tuer ou être tuer. Soit tu as la force pour toi, soit c’est l’argent qui te protégera, et encore… Si tu n’as ni l’un ni l’autre, joues sur les apparences. Fais toi craindre, et on te respectera. Que chacun de tes ennemis se dise qu’il a plus à perdre à tenter de te tuer qu’à te laisser vivre…

- Je ne suis pas une bouchère…

Synagar soupira… Que pourrait-il bien tirer de cette tête de mule désespérée ?

- Quelques morts oui, pas un carnage systématique. Je peux te donner une autre chance, laisses moi seulement t’aider…

Il ne reçut pas de réponse. Pourtant, sous ses apparences de mutisme, Khyrra réfléchissait.

- Contrairement à ce que tu dois penser, je ne suis pas un simple mercenaire, il y a autre chose, quelque chose qui regroupe des êtres qui ont vécu ce que tu as subi. Maintenant, quelque soit ta décision, je te demande de quitter cet endroit, il n’est pas fait pour les profanes.

Il n’ajouta rien de plus, mais il avait cette autorité naturelle qui faisait que chacun se sentait obligé d’obéir. Aussi Khyrra retourna-t-elle dans le tombeau rassembler ses affaires. De toute façon, maintenant que sa planque était découverte, elle n’avait plus rien à y faire. Alors qu’elle finissait de replier sa couverture, un souffle d’air frais lui balaya le visage. Elle leva alors les yeux de son ouvrage, pensant trouver là Synagar. Mais à la place du sacrieur se trouvait devant elle, flottant au dessus du caveau gravé, une forme spectrale floue. Khyrra sourit, gênée, mais nullement inquiétée. A force de se cacher dans les cimetières, elle n’en craignait plus les habitants naturels.

- Désolée vieux, je ne voulais pas te déranger, d’ailleurs, je me tire…


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MessageSujet: Re: [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule   [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule Icon_minitimeSam 22 Nov - 22:33

Se replongeant dans ses préparatifs, elle ne vit pas le spectre s’approcher, tout aussi silencieux que le tombeau, et prendre peu à peu forme moins vaporeuse, plus humaine. Lorsqu’elle se retourna, se fut pour se trouver face à un cra, certes diaphane, mais clairement identifiable. Surprise, elle n’eut pas le temps d’esquisser le moindre geste lorsqu’il tendit sa main à une vitesse fulgurante pour la toucher sur la poitrine, au niveau du cœur. La sacrieuse sentit un torrent glacial se répandre dans ses veines, la glaçant jusqu’à la moelle des os, en une vague irrépressible qui déchirait ses barrières mentales pour mettre son être à nu. L’esprit défunt fouillait son âme jusque dans ses recoins les plus sombres, laissant un vide terriblement douloureux sur son passage. Puis ce fut le déferlement d’un passé depuis longtemps enterré, cascade de vies sacrifiées, d’espoirs perdus, de trahisons. Enfin, le coup de grace, l’épée tenue par une main amie qui transperce le corps, une confiance qui se brise, la fin d’une ère, la naissance d’un destin.

Comme s’il s’était agi de sa propre chaire que l’on déchirait, Khyrra hurla et tomba sur le sol poussiéreux, à mi-chemin entre deux mondes alors que le fantôme ne brisait pas le lien spirituel et continuait à lui insuffler ces existences massacrées sur l’autel des guerres et de la vengeance. Sans comprendre sur le moment, elle aspirait ce legs forcé et menaçaient de se laisser engloutir par ces visions.


- Erinyes, Arrêtes ! tu vas la tuer !

Alerté par le cri, Synagar venait de faire irruption dans la pièce. Le spectre esquissa un sourire satisfait et rompit le contact.

- Tu la voulais, je te la donne.

Mais le sacrieur était déjà agenouillé à côté de la jeune femme qui luttait pour ne pas perdre conscience. La chaleur regagnait lentement son corps frigorifié, ajoutant d’autant plus à la souffrance mentale qui semblait ne jamais vouloir s’estomper. Peu à peu, les visions disparurent, englouties par son inconscient et elle parvient enfin à calmer son cœur qui battait la chamade. Pourtant, il restait une brûlure qui irradiait depuis sa poitrine. Baissant les yeux, elle remarqua alors une marque gravée sur sa peau, une croix aux branches barrées, qui luisait d’un incarnat soutenu. Synagar se voulait rassurant, même s’il ne pouvait cacher une nervosité grandissante.

- Elle va disparaître avec le temps, du moins, physiquement.

Puis il ajouta, d’un ton irrité, à l’adresse du cra.

- Tu l’as marquée… Tu vas trop loin… Tu…

- Et toi, tu pleurniches pour pas grand-chose. C’est une sacrieuse, une héritière de Lerys, ce n’est pas ça qui va la tuer. Tu as assez œuvré pour l’amener ici, devant ce choix que tu vas lui laisser. Enfin, si on veut…

Pour Khyrra, tout devenait incompréhensible, totalement fou. Des visions, elle tirait une partie des explications, mais il lui fallait du concret pour réellement admettre ce qui venait de se passer.

- Mais… Qu’êtes-vous ?

- Nous sommes des mercenaires, des hommes qui ne vivent que par leur arme, au service du plus offrant. Néanmoins, nous appliquons un certain code d’honneur, nous que les cités ont trahis, nous qui avons réalisé la futilité de ces guerres qui exterminent les fous et les désespérés venus y chercher un quelconque espoir, une vengeance ou une rédemption. On nous nomme Erinyes, du nom de notre fondateur ici présent qui a jugé intelligent de te torturer ainsi avec ses souvenirs.

Il marqua une brève pause pour échanger un regard complice avec le cra.

- Nous t’offrons la possibilité de recommencer une vie, de cesser de fuir tes bourreaux et d’enfin prendre ta place dans ce monde. Ce ne sera pas facile, mais je mets de grands espoirs en toi. Tu ne fera peut être pas de vieux os, aucun de ceux qui ont croisé Erinyes de par le passé n’ont fini de leur belle mort, mais il est toujours mieux de périr les armes à la main que comme un gibier effrayé. Alors, que choisis-tu ?

c’était brutal, tant à assimiler d’un seul coup et une proposition aussi alléchante que terrifiante. Khyrra en avait assez de fuir et tout valait mieux que cette vie misérable qu’elle menait depuis quelques mois.

- J’accepte.

Le sacrieur se détendit et se redressa. Khyrra remarqua alors la dague qu’il tenait et tentait maladroitement de dissimuler. Elle ne le prit pas mal, après tout, il y avait des secrets qu’il valait mieux emporter dans la tombe.

- Si j’avais refusé, tu m’aurais tuée sans plus de cérémonie ?

- Nous ne devons notre survie qu’à notre discrétion. Aucun témoin, telle est la règle. Désormais, tu ne seras plus Khyrra dans notre monde.

- Herebe, voila un nom qui lui ira bien, à elle dont l’âme cherche encore à échapper à son destin.

- Je serais donc Herebe. Où est-ce que je signe ?

Le spectre éclata d’un rire lugubre et disparut sur ces dernières paroles.

- Formes la bien. Où elle accomplira de grandes choses pour le clan, ou elle nous détruira tous. Quand on se nomme justice, la chute n’est jamais loin…
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MessageSujet: Re: [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule   [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule Icon_minitimeLun 15 Déc - 21:34

Chapitre 8 : Trahison (Jouillier 634)



- C’est long... Qu’est-ce qu’ils font, maître ?

Herebe, celle qu’on appelait autrefois Khyrra, renonça à scruter la rue pour reporter son attention sur son apprenti qui tournait en rond dans la pièce. Elle aussi commençait à s’inquiéter sérieusement, mais à part attendre, elle ne pouvait guère faire autre chose.

- On n’assassine pas quelqu’un comme on va acheter du pain. Il a pu y avoir un imprévu. Sois patient, un Erinyes doit garder son calme en toute circonstance.

Tirsael, un jeune iop fraîchement recruté, était son premier apprenti. D’à peine quelques années de moins qu’elle, elle avait du mal à accepter cette autorité qui lui tombait du ciel. Sa formation était finie depuis plus d’une année et Synagar avait jugé bon de lui confier la formation de ce jeune homme. Depuis, le sacrieur s’était fait discret, mais restait toujours là pour la guider. Comme en ce jour où tous s’étaient retrouvés à Bonta pour ce contrat d’assassinat sur un riche marchand du quartier des tailleurs. Mais seulement, cette expédition qui ne devait durer que quelques heures commençait à s’éterniser…

Puis soudain, la porte de l’entrée claqua, laissant passage à un sacrieur préoccupé. Synagar jeta un dernier regard dehors et referma la porte derrière lui avant de s’adresser aux deux autres.


- On lève le camp, et plus vite que ça.

pendant que le iop rassemblait les quelques affaires éparses, Khyrra s’approcha de son ancien maître et remarqua alors la tâche sombre qu’il tentait de dissimuler sous sa cape.

- Tu es blessé ? Qu’est-ce qui s’est passé bon sang ?

- Le type est mort, mais on était attendu à la sortie. Quelqu’un a voulu que l’on se charge du sale boulot, mais pas qu’il y ait de témoins. Nous nous séparés dès que possible, Oggy a entrainé les miliciens derrière lui, pour me laisser le temps de vous récupérer.

- Laisses moi regarder cette blessure, j’en ai juste pour deux minutes, tu vas te…

- Plus tard ! Ca ne va pas me tuer, mais traîner ici, probablement.

Une ombre devant la fenêtre les figea brusquement. Les sens en alerte, ils dégainèrent leurs armes, tendus, prêts au combat. Tout aussi soudainement, la porte volant en éclat sous un impact puissant, et tandis que les esquilles de bois retombaient, une troupe fit irruption dans la pièce.

- Battez-vous ! Ils ne feront pas de quartiers !

Joignant le geste à la parole, Synagar chargea les gardes, bientôt rejoint par Khyrra et son apprenti. La bataille tourna rapidement à la confusion, l’espace restreint ne se prêtait guère au travail de précision. Chacun des Erinyes se retrouve opposé à plusieurs ennemis, et malgré la puissance des deux sacrieurs et de leurs punitions, ils furent vite débordés. Mais aucun ne songea un seul moment à renoncer.

Puis le combat s’arrêta brusquement et ses adversaires s’écartèrent. Face à elle, à quelques mètres, se tenait le commandant de l’escouade. Tirsael était à genou, encadré par deux gardes, l’épée sous la gorge et la regardait, implorant silencieusement qu’elle vienne le tirer de là. Synagar lui aussi avait été maîtrisé, visiblement mal en point, du sang coulant de plusieurs profondes plaies s’ajoutant à se première blessure.


- Rends-toi sacri ! Cette bataille est perdue pour toi.

- Fiches le camp Herebe !

Khyrra jeta un regard vers la sortie, tout proche. A peine quelques pas, un simple saut et elle serait libre. Libre mais seule.

- Dégages !

- Jettes ton épée tout de suite!

Elle hésita, mais fit un pas en arrière. Le commandant fit un geste et l’épée s’abattit sur Tirsael. Khyrra regarda avec effrois la tête de son apprenti rouler sur le sol et sentit un profond sentiment d’échec l’envahir. Elle n’avait pas été capable de le protéger… Quel maître faisait-elle ?

- HEREBE ! Tires-toi ! C’est un ORDRE !

Ce cri la tira de sa contemplation morbide. Comprenant que la sacrieuse allait fuir pour de bon, le bontarien désigna alors Synagar. Voyant alors l’arme se mettre en mouvement, Khyrra stoppa net son geste.

- Herebe !

- NON !

La sacrieuse jeta son épée à terre.

- Je me rend, arrêtez ce carnage...

Synagar eut un reniflement de mépris et lui adressa un regard de lourd de reproche tandis qu’on les ligotait et qu’on les emmenait.


- Et dire que Bonta passe pour une cité propre et soignée… Les touristes ne doivent pas souvent visiter les geôles. Cette aspect de la ville craint vraiment !

Jetés sans ménagement dans un cachot sombre au plus profond des entrailles de la milice, tous deux avaient fini par se défaire de leurs liens. Maintenant, Synagar gisait au sol, plus pâle que jamais, la respiration laborieuse. Khyrra se tenait à ses côtés, ayant vite renoncé à panser des plaies qu’elle savait fatales. Pendant de longues minutes, le sacrieur avait refusé toute discussion, en un reproche muet de sa désobéissance qui la condamnait en même temps que lui. La jeune femme le vivait d’ailleurs très mal, rongée par le remord de l’avoir déçu, mais également certaine d’avoir fait ce qui était juste. La tête basse, elle n’osait affronter son regard et pourtant, ne pouvait plus supporter ce silence.

- Personne ne devrait mourir seul…

- Foutaisses ! Qui sera là pour toi, hein ? Personne ! Tu viens de gâcher ta vie, pour rien.

- Non, pas pour rien, de toute façon, je n’avais aucune chance de sortir de la ville. Je ne veux plus être un gibier, c’est mieux ainsi…

La sacrieuse sourit : que pouvait-elle faire maintenant, à part être là, jusqu’à la fin. Maigre réconfort pour qui sait qu’il ne lui reste que quelques instants tout au plus. Elle tentait de se donner une contenance, mais son assurance n’était que de façade. Des mois à passés à fuir la milice bontarienne et voila qu’elle finissait tout de même par y atterrir. Il ne faisait aucun doute de ce qui l’attendrait au bout du chemin, ni ce qu’elle allait croiser sur la route. Elle s’efforçait juste de ne pas y penser, par respect pour celui qui fut son maître pendant trois années et son guide ces derniers mois.

- Tu es trop fière Herebe. Ca va te perdre…

Même face à la mort, il gardait son ton moralisateur, qui avait eu le don d’irriter la jeune femme. Khyrra lui prit la main et la serra doucement, comme si elle avait peur de le meurtrir plus qu’il ne l’était déjà.

- J’ai de qui tenir, maître. Mais je vous promet de faire un effort.

Retenir ses larmes, ne pas flancher. Elle ferma les yeux lorsque Synagar dégagea sa main pour la poser sur sa joue. Non, il n’avait pas été que son maître, il avait été bien plus que ça, presqu’un… père.

- Ne renonce jamais. Bats-toi… jusqu’à la fin…

Un dernier souffle et la main glissa lentement, mais elle fut rattrapée avant de toucher le sol et déposée le long du corps du sacrieur. Khyrra avait connu bien des pertes, mais jamais elle n’aura cru que son cœur soit sur le point de se déchirer comme à cette seconde. Sans un mot, elle posa sa tête sur le torse transpercé et laissa couler ses larmes, silencieuses.

Le temps n’avait plus d’importance, même le son grinçant de la grille du cachot ne parvint pas à la tirer de sa peine. Pourtant, un simple contact sur son épaule suffit à faire naître en elle une rage irrépressible, plus rien ne compter, hormis une seule chose : se venger, tuer tout ce qui passerait à proximité. Avec un hurlement qui n’avait rien d’humain, elle se retourne pour saisir l’intrus à la gorge et la punition crépita dans l’air lourd. Mais elle ne se s’arrêta pas là. Telle une furie, elle se jeta sur le garde suivant, et le sortilège claqua à nouveau. Ignorant le contrecoup, elle se servit de la douleur pour alimenter sa haine et avisa sa prochaine cible.


- Assassins !

Cependant, cette fois-ci, la surprise ne jouait plus en sa faveur. Trois autres gardes virent prendre la place de leurs collègues. Dans ce corps à corps déséquilibré, la sacrieuse se déchaîna mais un coup dans les reins eut raison d’elle et la mit à terre. Toujours tempêtante malgré les trois brutes qui la plaquaient au sol et lui passait des chaînes, elle semblait sur le point de sombrer dans la folie.

- Ils sont morts…

Alors, tandis qu’on la traîner dans le couloir, la sacrieuse, sourit, un sourire mauvais, carnassier, satisfaite d’en avoir au moins emmener quelques uns avec elle. Justice était faite à son maître.


Dernière édition par Khyrra le Mar 16 Déc - 17:38, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule   [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule Icon_minitimeMar 16 Déc - 16:24

Ne pas penser, ne pas ressentir, se concentrer uniquement sur noyau de paix qui survivait péniblement au fond de son esprit. Le choc lourd avec la pierre froide et humide de la cellule vida l’air de ses poumons, mais cette fraîcheur fut comme un baume apaisant sur sa peau déchirée. Bientôt, les gardes l’eurent à nouveau enchaînée, précaution qui n’était plus oubliée depuis ce premier jour qui avait vu deux victimes de sa colère, et retournèrent à d’autres occupations. La sacrieuse se retrouva alors seule, dans un silence uniquement troublé par le clapotis discret de son sang s’égouttant de ses plaies. Le chat à neuf queues n’avait épargnait aucun centimètre de son corps, et la morsure des lanières avait été d’autant plus terrible que sa chair portait les outrages des jours précédents. Cet enfer semblait ne jamais devoir finir… Aucun espoir, aucune lumière ne venait plus éclairer sa vie.

L’huis grinça à nouveau, des pas légers cette fois. Khyrra n’esquissa pas un geste, cette visite faisait parti du programme. De petites mains se posèrent sur son dos à vif, quelques mots étranges susurrés d’une voix doucement, et cette maudite chaleur qui irradiait lentement dans son corps. Khyrra haïssait cet instant, où l’éniripsa venait la priver de la mort qu’elle attendait ardemment. Puis la mélopée cessa, tous comme ces soins rudimentaires.


- Pourquoi ne pas leur dire ce qu’ils veulent ?

Encore et toujours la même question, comme à chaque fois.

- A quoi bon souffrir pour rien ? Vous êtes fichue, c’est bien digne d’une sacrieuse de prolonger ainsi une agonie.

Encore et toujours cette même pseudo sollicitude mielleuse. Qu’espérait donc cette éniripsa ? Qu’elle se confie, qu’elle s’épanche sur la seule épaule amicale alors que la torture ne lui avait pas arraché un mot, pas même un cri depuis ces jours que cela durait ?

- Je n’ai rien à dire à ces emplumés. Ni à toi.

Avec un grognement de douleur, ses chaînes raclant sur le sol, la sacrieuse se redressa. Son attitude n’avait rien d’engageant, la fièvre et la rage faisaient briller son regard vide.

- Toi et tes fétides bons sentiments… Qui est le pire ? Le bourreau ou l’espèce de mouche à merde qui me retape juste assez chaque soir pour que je passe la nuit et que je repasse sur le grill le lendemain ? On dit que Sacrieur a pris les pupilles de ses disciples pour qu’on ne puisse pas y lire ce qu’ils endurent. Regardes moi dans les yeux et oses me dire que c’est moi l’enflure !

Pendant tous ces jours où Khyrra s’était tue et avait subi passivement, l’éniripsa avait fini par la considérer comme brisée. Devant ce regain de violence, elle prit peur et recula jusqu’à l’entrée du cachot.

- Casses-toi grognasse ! Dégages et laisses-moi crever ! Si tu m’approches encore une seule fois, je te ferais bouffer ces mignonnes petites ailes !

La sacrieuse garda son attitude menaçante jusqu’à ce que la guérisseuse ait disparu. Dès lors, elle se laissa glisser au sol en soupirant, sans pouvoir réprimer une grimace de douleur. Allongée, elle repensait à son choix. Non, personne ne méritait de mourir seul, mais qui savait seulement qu’elle était toujours en vie ?

- Ne te fais pas d’illusion, quel temps te reste-t-il ? Un jour, une semaine… Du moment que tout cela s’arrête…

Elle ferma les yeux et plongea dans le dernier refuge qu’il lui restait : l’inconscience.
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MessageSujet: Re: [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule   [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule Icon_minitimeMer 21 Jan - 22:13

La nuit fut des plus courtes. Recroquevillée sur elle-même pour conserver le peu de chaleur que son corps arrivait à produire, Khyrra avait passé les dernières heures perdues dans ses souvenirs, pour oublier la douleur qui tirailler sa chair. Pourtant, ses pensées revenaient toujours aux mêmes personnes : Eorhlinghas, son iop de premier mari, qui l’avait entraînée sur les sombres routes de Brakmar et qu’elle tenait responsable de la « mort » de leur fils ; Perce-Oreille, ce cra si séduisant et si doux, qui avait accepté d’unir sa vie à la sienne, malgré son passé et ses activités actuelles, plus qu’à sa propre vie, elle tenait à son amour ; et pour finir, Synagor, son ancien maître, dont elle n’avait jamais su son véritable nom… A ce remémorer cette perte si récente, elle serra les poings. Pourquoi et par qui, elle l’ignorait, mais elle était sure d’une chose : ils avaient été trahis.

Une lueur plus vive filtra soudain autre travers des barreaux fermant l’ouverture en haut de la porte. La sacrieuse se redressa à demi. Dans la pénombre de la cellule, toute notion de temps s’envolait, et les seuls repaires qui lui restaient n’étaient guère réjouissants. Le moins pire du lot était certainement celui-là.


« Tiens, voila le service d’étage qui apporte le petit déjeuner… »

L’infâme bouillie de gruau insipide qu’on lui servait en guise d’unique repas journalier lui sembla presque préférable lorsque ses visiteurs du jour firent irruption dans le cachot. Ses habituels geôliers ouvrir la porte et s’effacèrent pour laisser place au genre de personnage qui retournait les tripes de la jeune femme, ce qui devait passer pour un juge dans la grandiose cité blanche. Celui-ci la toisa avec le dédain qu’on accorde aux animaux nuisibles, tout en lui transpirait la suffisance et le sentiment d’agir pour le bien du brave peuple. Il déroula un parchemin cacheté et se racla la gorge avant d’en entreprendre la lecture.

- La sacrieuse connue sous le nom d’Herebe est convaincue d’assassinat, d’association de malfaiteurs et d’atteinte à la sécurité de Bonta. En châtiment de ces actes, elle est condamnée à être pendue jusqu’à ce que mort s’en suive. La sentence est à exécuter sur l’heure. L’accusée a-t-elle qu’elle chose à ajouter ?

Depuis le début de la lecture de l’acte d’accusation, Khyrra fixait le prélat dans les yeux, avec cette fierté qui ne la quittait jamais. Fierté de ne pas céder alors même que la sentence de mort venait d’être prononcée. Elle ne leur ferait pas le plaisir d’implorer pitié alors qu’elle désirait cette fin plus que tout depuis plusieurs jours.

- Qu’on en finisse.

Elle ne le lâcha pas du regard jusqu’à ce qu’il disparaisse dans le couloir. Si elle avait pu le tuer ainsi, elle ne s’en serrait pas privée, mais à défaut, elle se contenta de cracher sur le sol.

- Pourriture faisandée… Que Sacrieur liquéfie ton cœur…

- Elle t’a plutôt oublié jusque là, ta déesse…

Le défilé se poursuivait, mais cette fois, ce serait les dernières personnes qui entreraient dans la cellule. Emplie de mépris et de rancœur, Khyrra cracha au sol en reconnaissant le bourreau, suivi de prêt par ce qui devait être son apprenti. Ce n’était encore qu’un gosse, la sacrieuse lui donnait tout au plus 13ans, mais ces gens si bienfaisante de la cité blanche avaient jugé bon de lui apprendre aussi jeune les subtilités du « métier ».

- Elle ne s’est jamais vraiment souciée de moi. Comme toutes les divinités d’ailleurs… Quelle belle connerie que de leur être fidèle pour autre chose que les pouvoirs qu’elles nous concèdent. Dieux, démons, tout ça n’est que guère futile !

- Oui, c’est d’ailleurs pour ça qu’il est tellement mieux d’œuvrer à l’assassinat…

Khyrra ne releva pas la pique. Depuis qu’elle était entrée au service des Erinyes, elle n’avait rien perdu de son dégoût pour le meurtre, n’intervenant qu’en ultime recours. Quelle ironie… Elle allait être pendue pour un crime qu’elle n’avait même pas commis... pour une fois.

- J’espère que je ne vais pas trop vous manquer au moins…

La jeune femme restait sur le ton de l’ironie, gardant un œil sur l’apprenti du bourreau lorsque son maître lui ordonna d’ouvrir ses chaines.

- A vrai dire, passer un peu plus de tempes en si charmante compagnie ne m’aurait pas déplu. C’est si rare de trouver d’aussi bons clients qu’une sacrieuse. Ils ont tous tendance à implorer avant même que j’ai commencé. Au moins, je n’ai pas eu à me limiter aux bases avec toi. Dépêches-toi bon sang !

L’apprenti hésitait à s’approchait, Khyrra s’en amusa intérieurement et en rajouta en lui lançant un regard noir de tueuse. Les sacrieurs étaient toujours considérés avec méfiante et crainte, la dangerosité de leur punition n’étant plus à prouver. Après ces jours ou semaines de torture – elle en avait perdu toute notion de temps – c’était une petite revanche qu’elle savourait.

- De quoi as-tu peur ? D’elle ? Elle est incapable de te tuer, trop faible pour punir, et encore, même si elle parvenait à lancer son maudit sortilège, il ne ferait que te chatouiller vu son état.

Il lui jeta un regard en biais, lourd de sous-entendus.

- Et elle ne tentera rien… Tout ce qu’elle veut, c’est une mort rapide, et elle sait que si elle ne se tient pas à carreau pour les dernières minutes qu’il lui reste à vivre, je me ferais une joie de prolonger son agonie outre mesure.

Et il avait parfaitement raison. Pour Khyrra, sans plus aucun espoir, la seule chose qui comptait, c’était de trouver le repos. Elle abandonna son masque de tueuse et tendit ses poignets au garçon, faissant cliqueter les chaines par la même occasion.

- Je ne vais pas te manger gamin. Un bon bourreau ne doit pas trembler devant ses victimes tu sais.

La clef tourna et les chaines tombèrent à terre. Khyrra en profita pour masser sa peau entaillée par le métal avant d’être interrompue par un paquet de toile rêche lancé par l’exécuteur.

- Enfile ça en vitesse, tu es attendue.

Elle déroula le tissu de couleur sale, révélant ainsi la longue robe à capuche des condamnés, le seul suaire qui lui serait accordé avant que son cadavre ne soit jeté dans une quelconque fosse commune. A cette pensée, elle frissonna en imaginant le sort qu’avait du subir les dépouilles de Synagar et Tirsael, certainement aussi peu enviable que ce qui l’attendait. Mais qu’importait… Un Erinyes savait parfaitement qu’il ne coulerait pas de vieux jours heureux à moins d’avoir une extraordinaire bonne étoile, et qu’il avait plus de chance de finir dévoré par des charognard qu’enterré dignement dans un somptueux caveau.

- Il ne faudrait pas choquer la sensibilité de ces si purs bontariens devant un corps aussi abjecte que le mien.

Malgré ces années passées loin de Brakmar, il lui restait naturel d’instiller un soupçon de venin dans ses paroles dès qu’elles concernaient Bonta et ses habitants. Mais cela ne l’empêcha pas de revêtir la robe et de se laisser gentiment lier les mains dans le dos. Le bourreau ne lui arracha même pas une grimace lorsqu’il serra la cordelette au point de lui entailler la chair et c’est sans un regard vers ce lieu de souffrance qu’elle quitta son cachot.
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MessageSujet: Re: [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule   [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule Icon_minitimeSam 25 Avr - 20:24

Deux miliciens attendaient de chaque côté de l’huis : Khyrra n’eut guère plus le temps de les étudier lorsqu’une bourrade l’expédia dans le couloir longeant les cellules des autres malheureux attendant leur heure en ce lieu sinistre. Le premier garde saisit la torche accrochée au mur et ouvrit la route, suivi de près par l’apprenti du bourreau. La sacrieuse se retrouva alors prise en sandwich entre eux et son tortionnaire. Contrairement à son compagnon, le deuxième milicien attendit que le groupe passe devant lui avant de fermer la marche. Plus petit que l’autre, il lui inspirait pourtant une crainte instinctive tandis qu’il se tenait dans l’ombre. Pourtant, elle ne put s’empêcher de les provoquer une dernière fois.

- Eh les filles ! Vous avez droit à une prime pour vous être levées de si bonne heure ?

Seul le premier garde releva, approuvé d’un ricanement du bourreau.

- Ouaih… On ira boire une bière à ta santé, raclure.

Ils lui imposèrent un rythme soutenu tout au long de leur remontée des tréfonds de la milice, si bien qu’elle se retrouva à court de souffle pour continuer à les houspiller.

Mais, une silhouette apparut soudain au détour d’un croisement. Un autre garde, ou plutôt, une craette milicienne dont les traits lui étaient familiers. Lii’Ya. Que faisait-elle ici, ainsi vêtue ? Depuis quand une Erinyes se baladait librement dans les geôles de Bonta ? Elle n’était d’ailleurs pas la seule à s’interroger.


- Que fais-tu là ?

- Je viens en renfort, pour l’escorte.

- Je n’ai pas demandé de garde supplémentaire !

- Bien sûr que si !

Pendant qu’ils échangeaient, Khyrra vit la femme se rapprocher du garde et s’écarta contre un renfoncement pour laisser passer le bourreau et son suivant. Elle ne put apercevoir qu’un éclat métallique quand la craette se jeta sur son interlocuteur tandis que des bras forts l’enserraient et qu’une main gantée la bâillonnait. Un murmure lui intimait de se tenir coite. Le second milicien choisit alors cet instant pour lui adresser un regard fou avant de saisir le bourreau par les cheveux, de lui tirer la tête en arrière et de plonger ses crocs dans sa gorge. En quelques secondes tout fut achevé. Les bras la relâchèrent et un iop sortit de l’ombre. Il souriait, visiblement ravi de son petit effet et de la tournure des événements.

- Eorhlinghas…

Le milicien survivant acheva de vider sa proie de son sang et la jeta négligemment comme un vieux sac usagé. Il s’approcha à son tour : sa chevelure blonde et sa peau blême ne faisaient que renforcer le côté sauvage de sa nature de vampyre Lui aussi souriait, mais c’était la surprise de Khyrra qui le satisfaisait.

- Theo…

- Mère… indigne.

La tension grimpa d’un seul coup. Khyrra n’avait toujours pas tourné la page de sa séparation avec Eorh, le tenant pour responsable de ce qu’il était arrivé à leur fils, fils dont elle dont elle ne souhaitait que la mort, définitive cette fois et pour son propre bien. Eorh lui, lui en voulait encore de sa trahison même s’il était bien plus ouvert à la discussion que son ex-femme. Quant à Theo… sa position était des plus ambigües, partagée entre rancœur pour sa mère qui l’avait, à ses yeux, abandonné et maltraité, et son envie de voir sa famille se reformer. Aussi s’interrogeait-elle sur la présence de ces deux-là en ces lieux, avec une hostilité notable.

- Sympa la réunion de famille… Si c’est pour me tuer que vous avez fait tout ce chemin, vous auriez tout aussi bien pu prendre une place pour le supplice. Sauf si bien sûr, certain ne pouvait pas se passer du plaisir de le faire eux-même.

Son regard se porta sur son fils, lourd de haine, loin de contenir la douceur maternelle qu’il aurait du avoir. Même dans un moment critique, Khyrra n’était pas capable d’aller au-delà de ses sentiments. Pour ne rien arranger, le vampyre la provoquait sans cacher son amusement.

- Khyrra, on n’est venu jusqu’ici pour te tuer, si tu pouvais oublier un peu cette histoire…

- Toi le iop, je t’ai pas sonné ! T’es déjà pas fichu de…

Restée à l’écart, Lii’Ya avait jusqu’à présent supporter sans rien dire ces querelles dont elle ignorait presque tout. Les retrouvailles ok, mais elle n’oubliait pas où ils se trouvaient et qu’ils risquaient tous d’y laisser leur peau à s’éterniser ainsi. Elle connaissait la sacrieuse depuis suffisamment longtemps pour savoir qu’elle pouvait se montrer extrêmement têtue quand quelque chose lui tenait à cœur, mais également qu’avec un peu de fermeté elle revenait très vite à la raison.

- Ca suffit Herebe ! Tu les remercieras d’avoir retrouver ta trace plus tard, pour l’instant, y’a plus urgent, comme sortir d’ici sans se faire prendre. Vous êtes à la milice au cas où vous l’auriez oublié et on a deux cadavres sur les bras là. Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’on fait de lui ?

Tous se tournèrent alors vers le gamin. Pendant l’assaut, personne n’avait jugé bon de le neutraliser, mais maintenant, il s’avérait plutôt encombrant. Tous quatre se consultèrent d’un regard : chacun avait sa propre solution.

- On l’embarque et on avise.

- J’le bouffe, j’avais justement envie d’un dessert !

- Je m’en occupe…

La sacrieuse franchit les quelques mètres avec un poids sur les épaules. Le garçon pleurait sur le corps du bourreau, sans porter attention aux intrus. A cette vue, Khyrra comprit qu’il n’y avait pas qu’un simple lien d’apprentissage entre ces deux là : bien entendu que la charge de bourreau tenait de l’hérédité et se transmettait de père en fils. Au fond, elle se reconnaissait un peu en lui : perdre ses parents avait été le drame de sa vie, bien plus que son divorce, cela avait conditionnait tout son avenir. A qui pouvait-elle souhaiter de connaitre un tel sort ? Personne. C’était un fardeau lourd à porter, bien plus qu’une simple histoire de survie.
Mais à côté de ce sursaut de sentimentalité revenait toujours le pragmatisme : elle ne pouvait pas se permettre de laisser de témoins. Encore moins si celui-là pouvait faire une affaire personnelle de retrouver la meurtrière qui brisait son existence. Sans oublier qu’elle ne pouvait nier le soupçon de petite vengeance qui pointer au fond de son inconscient. Une dernière revanche sur ce qu’elle avait subi.

Cela n’empêchait pas qu’elle ne voulait pas se conduire comme une brute. Alors, elle s’agenouilla derrière le petit et l’attira contre elle en murmurant des paroles rassurantes. Oubliant sur le moment qui elle était, il vint se nicher dans son giron. Sans cesser ses chuchotements, elle caressait ses cheveux, comme l’aurait fait une mère aimante, étrange sensation pour cette femme qui n’avait pas su construire et préserver sa famille. Bien loin de toute cette réflexion, d’autres s’impatientaient.


-On n’a pas le temps de pouponner…

–Désolée gamin, tu n’aurais pas du te trouver là…

Lentement, sa main glissa une dernière fois dans la tignasse de l’enfant ; celui-ci s’était quelque peu calmé même s’il sanglotait encore. Cela ne lui facilitait pas la tâche, agir en représailles d’une agression auraient été plus simple. Et pourtant, elle n’aurait eu aucun remord à assassiner son propre sang. Cette pensée lui donna l’impulsion qui lui manquait, elle ne voulait plus fuir. Le geste fut rapide, il n’y eut pas un cri, rien qu’un craquement sinistre quand elle lui brisa la nuque. Elle sentit un mouvement dans son dos mais ne bougea pas lorsque Theo vint se pencher par-dessus son épaule pour lui murmurer à l’oreille.

- Toujours aussi maternelle, maman.

Khyrra se contenta d’un soupir en guise de réplique. Elle ne tuait que par nécessité, jamais par plaisir, même si cela n’allait pas toujours de paire avec sa profession. Elle allongea doucement le corps de l’enfant et se redressa. Pendant quelques secondes, elle vacilla, son corps maltraité la rappelait à l’ordre, mais elle se reprit assez vite pour cacher cette faiblesse.

- Aucun survivant, pas de témoin. Je ne tiens pas à être traquée sur le témoignage d’un innocent.

Les paroles étaient dures, mais l’instant n’était pas à l’apitoiement. Khyrra reprenait son rôle de sans-cœur : la pitié était pour les faibles et les faibles n’avaient pas la meilleure espérance de vie.

- Comment sort-on d’ici maintenant ?

- Par là où nous sommes arrivés. Ouvres la route Theo, tu connais mieux le chemin que le brakmarien que je suis.
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MessageSujet: Re: [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule   [BG] Khyrra, sur le chemin du crépuscule Icon_minitimeJeu 15 Avr - 19:50

Ils se remirent en route, aussi rapidement que l'état de Khyrra le permettait. Il ne leur fallut pas longtemps pour atteindre une bouche d'égout égarée au plus profond des geôles. Les deux hommes dégagèrent la lourde plaque et Eorh disparut dans l'ouverture pour dégager le passage de la vermine inhérente aux lieux. La sacrieuse avait mis à profit ce court répit pour souffler. Appuyée contre le mur, le regard hagard et le souffle court, elle accusait le coup alors que l'adrénaline retombait. Lii'Ya l'aida à se redresser.

- Ca va aller?


- Vous avez été fous de venir jusqu'ici...

- C'est d'autant une excellente raison pour tenir le coup. Accroches-toi Herebe, le plus dur est encore devant nous.

- Tu ne me laisses guère le choix de toute façon.

Les deux femmes changèrent un sourire : malgré toutes leurs oppositions au sein du clan, elles avaient fini par développer une certaine complicité. Soutenue par Lii'Ya, Khyrra approcha du trou d'où émanait une odeur typique et écœurante.

- Je ne suis pas loin de regretter la corde là...

- Tu peux toujours faire demi-tour, maman. En tant que sang pur, tu vas adorer les subtilités du supplice réservé aux fugitifs repris.

- Je n'éprouve aucun plaisir à souffrir pour rien Theodred, je ne suis pas de ces fanatiques qui passent leur vie à se scarifier pour s'attirer les faveurs d'une déesse qui n'en a strictement rier à péter de ses disciples.

- Tu ne respectes pas le dogme et tu viens me reprocher d'être un bâtard de iop! J'aurais du envoyer chier le vieux quand il est venu me trouver pour te sauver. Je me serais régaler de te regarder agoniser sous les crachats de la foule.

Khyrra ne releva pas. Elle ne pouvait nier avoir mériter son sort depuis bien des années d'illégalité. Pour tout Erinyes, tant que l'adage « pas vu, pas pris » s'appliquait, le monde continuait de tourner. Mais acculé et sans espoir d'en réchapper, la plupart se donnait la mort pour éviter le bourreau et ne pas trahir les leurs. La sacri savait avoir manquer à son engagement sur ce point.
Elle inspira profondément et entreprit de descendre l'échelle de barreaux rouillés et englués de la vase des égouts. Mais pour chaque échelon franchi, un éclair de douleur lui déchirait le dos. Le moindre mouvement ravivait les heures de torture passée et les larmes vinrent se mêler à la sueur et le sang séché. L'épuisement s'ajoutant, sa prise se fit moins assurée. Une vigilance moins forte, un barreau un peu plus glissant, Khyrra chuta lourdement dans l'eau croupie. Elle sentit à peine le choc, mais la douleur déferla dans son corps mutilé en une vague d'une aveuglante blancheur qui éclipsa toute autre sensation. Pendant ce qui lui sembla une éternité, il n'y eu plus rien, puis une saveur acre envahit sa bouche et se diffusa dans son corps, réveillant chaque sens un à un.
Des bras puissants la tirèrent de l’eau fangeuse. Des torches s’approchèrent, l’aveuglant momentanément, mais il lui fallut un instant pour comprendre que le iop s’enquérait de son état, qu’elle rassura d’un hochement de tête.


- Peux-tu marcher ? On ne peut pas traîner dans le coin…

- Je ne sais pas, si tu m’aides, peut être.

Le iop passa le bras de la sacrieuse au dessus de son épaule et souleva son poids. A peine redressée, Khyrra cria de douleur et s'effondra de nouveau. Sa chute avait rouvert ses blessures et le sang auréolait peu à peu sa tunique de condamnée de carmin. Se sachant à bout de force, elle accepta cette défaite sans sourciller.

- Je ne veux pas paraître défaitiste, mais je n'irai pas plus loin cette fois... Sauvez-vous tant que vous le pouvez, vous en avez assez fait comme ça.

- Hors de question ! Je ne pars pas sans toi ! Même si je dois porter ton cadavre, je te sortirais d'ici !

Le iop arborait ce regard de défi qui l'avait tant séduite à une époque, mais aujourd'hui, Khyrra n'était plus à ce genre de considérations et il l'agaçait au plus haut point à vouloir jouer au héros.

- T'es vraiment toujours aussi con ! Tout ce que tu vas gagner, mon cher sauveur, c'est de nous faire tous tuer. C'est ça que tu es venu chercher, une gloriole de iop ? Et qui viendra chanter tes louanges si on y reste tous ? Personne pauvre merde ! Je ne veux pas que tu crèves pour moi, manquerait plus que ça!

Seule sa rage lui avait permis à cet instant de se redresser et de tenir tête à la détermination d'Eorh. Ni Theodred ni Lii'Ya n'osèrent s'interposer, Lii'Ya connaissant assez la sacrieuse pour ne pas risquer un coup perdu lorsqu'elle crachait sa colère, Theo, lui, savourant de voir sa mère à l'agonie. Khyrra finit par détourner les yeux.

- Si tu veux vraiment te rendre utile, laisse-moi une arme et tirez-vous ! Mieux, achevez-moi et barrez-vous de ce trou !

La giffle partit sans prévenir, ses échos se répercutant au loin dans le tunnel crasseux, et laissa la sacrieuse sonnée. Eorh se maitrisait à grand peine pour ne pas lui obéir pour cette fois et l'abandonner sur place.

- Certes tu ne mérites pas mieux. Et oui, je ne suis qu'un raté comparé à la grande guerrière que tu es devenue, traquée par les deux citées et haïe par sa propre famille. Je sais parfaitement que toi, tu n'aurais pas bouger un seul orteil pour venir me tirer d'un cachot si nos rôles avaient été inversés, mais moi, j'ai de l'honneur et je n'ai pas oublié mon amour. Alors, que tu le veuilles ou non, je vais te sortir d'ici.

- Super ! On fêtera vos retrouvailles en même temps que son enterrement ! T'es vraiment sûr de vouloir t'encombrer d'un sac de viande décomposé ? Elle passera pas deux heures de plus sans soin, elle pue déjà la mort à cents pas...

- Tu as raison sur un point, il nous faut un toubib et rapidement...

Eorh leva un regard plein d'espoir vers son fils. Pour toute réponse, Theo eut un mouvement de recul.

- Juste quelques jours, le temps de...

- Non mais ça va pas la tête ! Je n'en veux pas chez moi, j'ai déjà pris assez de risques pour vous prévenir et vous faire entrer ici. Tu peux être sûr qu'en moins d'une heure, dès qu'on aura trouvé un eniripsa, on verra débarquer toute la garde. Tu t'en fous peut être de finir pendu, mais les vampires, ils les brûlent ! Je ne sens pas une âme de petit boir moi ! Situ tiens vraiment à la sauver, t'as qu'à la prendre chez toi, à Brakmar !

- Pas Brakmar...

Sa voix ne portant guère plus qu'un murmure, Khyrra retrouvait ses esprits. Tous les trois se tournèrent vers elle, s'attendant presque à l'entendre réclamer de nouveau sa fin.

- Ce sera pareil à Brakmar, je n'y suis plus la bienvenue.

- On ne peut pas se rabattre sur Astrub non plus, ça grouille d'espion et il y aura toujours un fou heureux de se payer un Erinyes. Sans compter qu'il est impossible de te maintenir en vie jusque là bas. Je ne vois pas de solution, il faut prendre le risque à Bonta.

Laborieusement, la sacrieuse leva une main pour couper court aux discussions.

- Madretram... Il y a une planque là bas et vous pouvez vous fier à Betheen, il n'ira jamais trahir le clan.

La crate acquiesça : Madrestram était assez mal famé pour ne pas attirer l'attention et l'eniripsa, ancien membre du clan maintenant à la retraite, les aiderait sans retenu, du moins s'il vivait toujours dans le port. Theo semblait lui aussi approuver. En fait, du moment qu'on éloignait sa mère de lui, toute solution lui convenait.

- Par le zaap, ça ne vous prendra qu'un instant et nous n'en sommes pas bien loin. Mais nous n'avons plus beaucoup de temps avant que la place ne grouille de monde et, elle, elle ne va pas passer inaperçu dans cet état, surtout si les corps ont été découverts et l'alerte donnée. Je vous emmène jusque là et vous vous démerdez pour la suite, il faut que je rejoigne mon poste avant la relève.

Sur ces mots, le iop dégraffa sa cape et la dépose sur les épaules de la sacrieuse. Cette dernière resserra les pans autour d'elle et laissa la chaleur de l'épaisse fourrure la réchauffer.

- Ce sera plus discret ainsi. Maintenant, tu avales ça et on y vas.

Il sortit une petite fiole, l'ouvrit et fourra son goulot entre les lèvres de la sacrieuse. Khyrra eut un haut le cœur à la première gorgée et tenta de recracher le liquide mais Eorh l'obligea à l'avaler jusqu'à la dernière goute. Il ne fallut guère de temps à la potion pour faire effet et Khy s'affaça entre ses bras, inconsciente. Le iop chargea alors la jeune femme sur son épaule, comme un vulgaire balot, pliant sous ce poids mort, puis il fit signe à ses compagnons de se mettre en route.

- Qu'est-ce que tu lui as filé ? Tu t'emmerdes pour pas rand chose si tu veux mon avis...

- C'est ta mère, un peu de respect ! Je ne veux pas qu'elle souffre inutilement.

- Elle a au moins raison sur un point, t'es trop con des fois...

Theodred continua à maugréer tout au long du court chemin qui devait les mener vers la sortie. Enfin, il s'immobilisa devant une nouvelle échelle mangée par une végétation spongieuse et malodorante.

- Vous montez et le zaap sera sur votre gauche, vous n'aurez plus qu'à piquer un sprint. Bye les fous!

Le vampire recula dans le boyaux et sembla s'évanouir soudainement dans les ombres. Sans plus s'en étonner, Lii'Ya entreprit de gravir avec agilité les échelons glissant. Arrivée en haut, elle souleva la lourde plaque de fonte en grognant sous l'effort et jeta un regard circulaire pour s'assurer de la sureté du passage, puis elle fit signe au iop de la rejoindre. Tous deux s'extirpèrent avec soulagement des égouts puants. La ruelle était encore déserte à cette heure, abritée d'un côté par un haut mur ceignant quelque jardin privé arboré et longée de l'autre par un enclos hébergeant une paire de dragodindes encore somnolentes en cette heure matinale. A une centaine de mètres sur leur gauche s'élevait l'arche du zaap. Comme prévu, la place n'était parcourue que par quelques ivrognes attardés ou de commis pressés de rejoindre leur emploi. C'est à peine si les passants leur prêtèrent attention lorsqu'ils franchirent le portail ondulant.

Le transport jusqu'à Madrestram dura l'espace d'un battement de cœur. Le port au petit matin était déjà nettement plus animé que la cité blanche, mais pour autant, personne se sembla remarquer le trio plus qu'un autre énième groupe d'aventuriers de retour de quelque escapade ayant mal tourné. Lii'Ya enfila les rues en bonne habituée et les mena rapidement à une maison traditionnelle des quais, que rien en distinguait de ses voisines. La crate déverrouilla l'huis avec célérité et s'écarta pour laisser entrer Eorh et son fardeau.

- Je vais chercher le toubib, installes-la où tu peux et ôtes-lui ces nippes. J'en ai pour une dizaine de minutes maximum.

Eorh pénétra dans l'habitation : le rez-de-chaussée se composait d'une unique pièce, aux murs encombrés de buffets et étagères. Une table massif occupait son centre tandis qu'une cheminée à bois s'opposait à l'entrée et invitait à se réchauffer devant un feu pétillant. Un escalier menait à l'étage où devaient se trouver des chambres ou autre bureau. L'odeur des lieux peu fréquentés imprégnait la maison, mais l'ensemble donnait une impression d'ordre et d'entretien.
Le iop referma la porte d'un coup d'épaule et déposa la jeune femme sur la table avec une infinie délicatesse. Maintenant qu'il était seul pour quelques instants, il laissa enfin transparaitre son émotion.


- Oh Khykhy, mais que t-ont-ils fait ces sauvages?

Avec des gestes emprunts d'une douceur incongrue chez ce guerrier, il dégagea sa cape et caressa avec tendresse le visage de celle qui avait été sa femme et qui maintenant le haïssait. Ses doigts s'attardèrent dans les lourdes mèches brunes, collées de sang et de crasse.

- Si j'osais, j'en couperais une afin de te garder toujours avec moi, même une simple boucle de tes cheveux, tu n'as jamais voulu m'en donner une... Je ne veux pas te perdre...

Lii'Ya choisit cet instant pour rentrer comme une tornade, entrainant dans son sillage un eniripsa âgé mais encore vaillant. Ce dernier écarta le iop sans ménagement et réclamait déjà de l'eau et tel ustensile. Eorh resta figé au milieu de la pièce, comme stupéfait de découvrir un corps massacré alors que le médecin déchirait la toile de jute pour examiner les plaies. Exaspérée, Lii'Ya finit par le bousculer violemment pour l'arracher à sa contemplation.

- Arrêtes de baver et rends-toi utile maintenant que tu l'as arrachée au bourreau. Va nous chercher de l'eau à la fontaine, il va nous en falloir des litres pour nettoyer tout ce sang.

Émergeant comme d'un mauvais rêve, Eorh prit un broc de grès sur une étagère et se dirigea vers la porte. Sur le seuil, il se retourne, l'angoisse crispait ses traits.

- Si elle meurt...

Lii'Ya suspendit son geste et releva la tête. Son regard était aussi glacial qu'une nuit d'hiver et disait avec quelle sévérité elle jugeait le comportement de la sacrieuse.

- Elle devrait déjà être morte selon nos règles. Qui sait le prix que nous aurons à payer pour sa survie...

Une vague de colère traversa le iop. La porte claqua en se refermant derrière lui. Les comptes se solderaient plus tard.
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