Voici une de mes vieilles aventures, lors de mes débuts en tant que mercenaire. Je l'ai retrouvée au fin fond d'un placard, je me suis dit que ça vous intéresserait peut-être...
Territoire des Porcos, il pleut des cordes. L’obscurité recouvre peu à peu le continent, inexorablement.
Assis devant l’entrée du labyrinthe, j’attends mes deux compagnons. J’ai l’impression de les connaître depuis toujours, et ce n’est pas loin d’être vrai.
Le premier arrive dans un nuage de fumée, instantanément. Il est pile à l’heure, comme toujours. Son grand âge ne l’a pas trop amoindri, il manie le marteau avec dextérité et nombreuses sont les créatures d’Amakna à craindre ses horloges. Ses bandelettes poussiéreuses sont néanmoins en parfait état et ne laissent pas voir la moindre parcelle de ce qui lui sert probablement de peau.
Ce vieux xélor est mon mentor, mon vieux maître, celui qui m’a fait découvrir le monde, qui m’a permis de progresser, qui m’a protégé lors des nombreuses batailles que nous avons mené. C’est lui qui m’a montré comment vaincre des ennemis plus forts et pus nombreux par la ruse plutôt que la force brute. Il se nomme Radamanthyss et c’est celui qui pour moi a le mieux tenu le rôle de père depuis la mort de mes parents à Pandala, lors de la guerre civile.
Bien sûr, c’est un vieil idéaliste Bontarien. Il ne participe plus aux batailles contre la cité sombre et il sait à quel point la politique a rongé le cœur des dirigeants de sa ville d’adoption. Mais il continue de chérir les valeurs d’honneur et de justice prônées par la ville blanche et cela même impose le respect.
Le second de mes compagnons de route est un des plus redoutables Sadidas que je connaisse. Il arrive tranquillement, sont bâton à la main. Il parle peu, et toujours avec un étrange accent et des sonorités gutturales assez difficiles à comprendre. Certaines personnes pourraient prendre cet étrange langage pour du bwork, mais il n’en est rien. Il parle simplement un ancien dialecte Sadida du Nord qu’il a adapté comme il l’a pu à l’Amaknéen moderne. Son apparence est étrange également : s’il possède une fourrure verte somme toute assez classique autour de sa tête, son corps est recouvert d’une fourrure rosâtre du plus étrange effet. Mais il ne semble pas s’en soucier outre mesure.
Même son nom est imprononçable, si bien que le surnom qu’il se donne, plus ou moins un diminutif de son nom complet, est très étrange : « Bmwi ».
Bmwi est un très vieil ami de mon mentor. C’est à la fois un artisan compétent et un redoutable guerrier. Sa présence massive est très rassurante, d’autant que l’adversaire que nous allons affronter ne s’abat pas facilement…
Nous entrons dans le souterrain et nous avançons vers le guide, un xélor qui cache son visage – ou plutôt ses bandelettes – derrière un masque d’os aux allures étranges. Sans un mot, nous lui montrons la paire de clés qui nous assure l’accès au redoutable Labyrinthe qui s’étend sous l’île des jambons sur patte.
Pour nous, ce n’est pas la première visite. Nous avançons dans le Labyrinthe machinalement. La salle des dalles, les palissades qui s’ouvrent ou se ferment devant nous, les attaques des créatures porcines qui peuplent ces souterrains… Tout se passe bien. Les redoutables combattants qui m’accompagnent ouvrent le chemin à grands renforts d’horloges et de ronces, de marteau et de bâton, et je les soigne à l’aide de ma précieuse baguette Rhon tout en lançant sur les adversaires regroupés des flasques explosives particulièrement meurtrières. Notre équipe est efficace, chacun connaît son rôle et le tient à la perfection.
Enfin nous arrivons devant l’entrée de l’antre de la bête. Les clés tournent sans peine dans les serrures prévues à cet effet et nous entrons. Bien sûr, le monstre a pris ses aises et son domaine est très étendu. Ses serviteurs se montrent de plus en plus agressifs et autant les précédents nous laissaient parfois passer, autant nous sommes forcés d’abattre tous ceux qui nous barrent la route. Don Dorgan, Don Dussang, cochons de Farle, cochons de lait… Ils s’acharnent, nous tendent des embuscades, tentent de nous séparer pour venir à bout de nous… Mais c’est sans compter sur notre expérience du combat. Radamanthyss passe d’un bout à l’autre des cavernes en un clin d’œil et abat son marteau sans pitié, Bmwi immobilise puis déchire ses malheureux adversaires à l’aide de ronces et de poupées sacrifiées et mes poings enflammés brûlent les créatures avec une étrange odeur de bacon grillé…
Finalement, le bout du tunnel, les appartements personnels de notre proie. Les exigences de mon client sont claires : peu importe la méthode, mais il veut que nous lui ramenions la bête vivante. C’est ce qui va rendre la tâche ardue : manier les précieuses pierres de captures exige toute notre attention et mes compagnons doivent donc ranger leurs armes. Seuls nos sorts et ma baguette seront donc utilisés pour ce dernier combat.
Dans l’Antre, l’odeur est pestilentielle. On distingue bien une mare de boue dans un coin de la pièce, mais aucune salle de bain, ce qui ne nous étonne pas vraiment ! Le monstre mérite bien son nom. Le Dragon Cochon se tient devant nous, la goutte au groin et la bave aux lèvres. Sa patte gratte le sol, ses petites ailes s’activent et il nous fonce dessus, suivi de près par ses plus fidèles serviteurs !
Nous prenant de vitesse, il nous lance un maléfice visant à nous blesser si nous bougeons. Mes compagnons restent immobiles, mais je décide d’agir tout de même : je débouche un flacon d’alcool de riz, je le bois et dans l’état d’ébriété qui s’ensuit instantanément j’invoque le souvenir de mon vieux maître panda, qui s’empresse d’aller semer la panique dans les rangs adverses. Puis j’utilise du lait de bambou afin de me débarrasser à la fois de l’alcool dans mon sang et de l’enchantement du Dragon Cochon.
Mais déjà certains adversaires sont sur nous. Profitant du fait que je ne crains plus les effets néfastes du sort, j’attrape et je lance les plus dangereux de nos ennemis au loin, pour donner le temps à mes compagnons de retrouver tout leur potentiel. C’est alors que le véritable combat commence !
Bmwi immobilise le Dragon Cochon et taillade ses chairs à l’aide de redoutables ronces, alors que Radamanthyss utilise horloges, sabliers, aiguilles et flamiches pour à la fois ralentir et blesser les serviteurs du monstre. Je reste en retrait afin d’utiliser au mieux ma baguette quand c’est nécessaire, tout en lançant quelques flasques explosives. Notre position est avantageuse : nous sommes dans un couloir étroit que nous pouvons défendre sans peine, limitant ainsi l’impact du surnombre. Les rangs adverses s’éclaircissent et quelques instants plus tard le Dragon Cochon est à notre merci, entravé par les ronces du Sadida. Radamanthyss s’approche, la pierre de capture à la main, quand soudain la bête se libère et lui fonce dessus ! Sous l’impact et al douleur, il lâche la pierre ! Ses blessures sont graves mais pas mortelles, ma baguette les referme rapidement, tandis que Bmwi utilise à son tour une pierre similaire qu’il avait dissimulée. Une horloge met définitivement au tapis le redoutable Dragon Cochon et son âme est capturée.
Le retour est bien plus calme que l’aller, il n’y a plus d’ennemis à affronter. La bête est là, dans ce minuscule joyau, et je n’ai plus qu’à livrer la pierre à mon client.
Ainsi, malgré notre faible nombre, notre sang-froid et nos capacités nous ont permis de venir à bout de notre adversaire. Fiers du défi que nous avons relevé, nous nous quittons sans un mot, comme d’habitude, avec un simple sourire et quelques poignées de main. Jusqu’à la prochaine fois !